♥♥♥ Ah Chamour…Toujours ! ♥♥♥

Vous êtes tranquillement en train de déguster votre Danette au chocolat quand tout à coup le téléphone sonne. Vous pressentiez déjà une catastrophe. Vous étiez loin du compte: Comment ? Quoi? le Consistoire n’autorise plus le lait non-chamour !? il est même question de cashériser ma vaisselle lait ? C’est écrit dans le Cachère-Magazine en plus ! Oï Vaï Voï et moi qui venait d’acheter 16 pots de Velouté de Danone et mes 12 paniers aux fruits de Yoplait ? Nan c’est trop injuste, tout est à jeter même mes Haägen-Dasz !!! … Voilà bien une page qui se tourne pour la judaïsme français. Fin de l’histoire?

Pas vraiment en réalité…

Reprenons les faits. Dans le Cachère-Magazine, une ‘nouvelle’ liste consistoriale est en effet publiée, retranchée de tous les produits lactés précédemment autorisés et assortie d’un avertissement:

« Nous vous rappelons qu’il est obligatoire de ne consommer que des produits à base de lait surveillé par un juif »

(Vous noterez au passage que peu importe les compétences du surveillant en question, son statut de juif  seul serait suffisant. Mais avec beaucoup de respect, entre les coquilles qui parsèment régulièrement le magazine et le style de rédaction pour le moins approximatif, il serait hasardeux de prétendre que le relecteur, s’il existe, soit d’une rigueur folle.)
Il y a 48 heures voici pourtant ce qu’on pouvait lire sur les sites communautaires:

Sachez que le Consistoire de Paris et le Grand Rabbinat confirment que Cachère Magazine est en infraction et a fourni une information erronée, qui nous a amenés à intenter une action en justice contre le magazine. Pour ce qui nous concerne, la seule liste valable et validée par le Grand Rabbin de Paris, le Grand Rabbin Guguenheim et le Dayan Kohen, est la liste du Consistoire. Tous les produits figurants sur la liste du Consistoire font l’objet d’une vérification rigoureuse et les produits laitiers qui y figurent sont vérifiés tout autant que les autres produits de la liste.

Grand Rabbinat de Paris

Le 7 mars, la circulaire officielle, obscure et semble-t-il réservée aux initiés, rappelait que la seule liste qui compte, était celle émise par le Consistoire. Un bel exemple (encore?) de communication calamiteuse, mais là n’est pas le sujet.

Que s’est-il donc passé pour qu’un communiqué officiel se propage comme une trainée de poudre (de lait) ?

Je ne peux m’empêcher de rappeler tout d’abord une maxime de Rav Léon Askenazi, Manitou :

« la Cashrout, ça cache la route« 

…et l’on est en train de vivre très exactement cette confusion à l’heure où j’écris ces lignes.

Flash-back: le Cachère-Magazine dans son numéro de Décembre 2010 a réuni une table ronde avec d’éminents rabbanim de tous les courants du judaïsme – du consistorial à l’orthodoxe (y compris Habad – enfin Pevzner…bref je ne veux pas compliquer). L’article en question est disponible depuis le site kacher.fr : LCM-Lait_Chamour_20101114

Qu’y raconte-t-on ? Tout naturellement et avec le ton de l’évidence que le seul lait casher serait le lait surveillé appelé le lait chamour ! Il est carrément évoqué de mener une casherisation des ustensiles ayant été en contact avec du lait non-chamour. Le Rav Teboul aurait dit (je mets au conditionnel dans la mesure où une procédure judiciaire semble avoir été lancée suite à cet article) :

Le lait non-surveillé est absolument interdit !

Et me voilà comme Perrette avec mes Danettes, qui comme son pot de lait (non chamour) s’évanouissent définitivement…

En fait c’est une révolution qui souffle dans le landerneau communautaire. C’est la première fois dans le judaïsme français traditionnel que l’on déclare le lait chamour non plus comme une h’oumra, c’est-à-dire , une mesure de piété qui va au delà de la simple observance, mais comme l’unique norme de consommation. Pire, que l’on interdit le lait non-surveillé, devenu subitement taref (impropre à la consommation) comme une vulgaire tranche de bacon.
En gros, de la même manière qu’il y a de la viande casher, il y aurait désormais du lait casher, le lait chamour (aussi appelé H’alav Israël, i.e. lait israélite).

Mais comment est-ce possible que l’on ait vécu si longtemps avec du taref chez nous ? Et qui plus est avec l’aval rabbinique du Consistoire et du Beth Din de France ?
La question est donc de savoir si le lait non-surveillé est bel et bien , du point de vue du din strict, taref. Ou pas.

Revenons à présent et tout d’abord sur la distinction entre le lait normal, vendu en grandes surfaces par exemple et le lait chamour.

J’entends déjà au fond quelques ricaneurs qui hurlent: « le prix, le prix, le prix ! »

Ce n’est pas faux : le lait chamour est un peu plus cher que son homologue classique. Comptez environ 90/95 centime d’euro le litre pour celui surveillé par le Rav Sechkbach de Strasbourg. Ce n’est pas la fin du monde. Même à 1.15 € ça revient au prix du litre chez Monoprix. D’ailleurs personnellement je bois du lait chamour, tout simplement parce que c’est disponible en bas de chez moi et à un prix raisonnable.

Là où en revanche ça fait mal, très mal, très très mal, c’est pour tous les autres produits lactés. C’est un festival pour tous les inflationnistes :
Avec un lot de 4 yaourts plus cher que 16 Velouté de Danone ou des petits suisses à plus d’un euro l’unité (oui, oui), et tout bon père de famille va vite voir exploser son budget comme ses nerfs…(et encore je ne parle pas du fromage qui est un autre sujet et où les tarifs peuvent frôler les 9 euros). Je n’évoquerai pas non plus la différence de qualité tant sur la consistance que sur la goût. Ni les promotions enfin intéressantes… la veille de la Date Limite de Consommation.

Mais fondamentalement, la principale distinction réside dans le fait que le lait a été surveillé depuis la traite jusqu’à la vente ce qui garantit ainsi qu’aucun produit interdit ( lait d’ânesse ou de truie par exemple)  ne s’y est adjoint.
A partir d’ici tout celui qui veut en savoir plus peut utiliser les méthodes ancestrales du judaïsme:

  1. Demander à son Rav que faire et lui obéir (même s’il vous autorise du lait non-chamour !)
  2. Étudier avec son Rav pour faire mais surtout pour comprendre
  3. Suivre la coutume de son père si son Rav l’ y a autorisé
  4. Appeler AlloRav au 0825 660 660
  5. Se diriger vers cheela.org, techouvot.com ou universtorah.com, les 3 mamelles si j’ose dire (pour rester dans le sujet) de la Halakha en ligne francophone
  6. Rester curieux et utiliser Google (mots clés: lait chammour, chamour, Cholov Yisrael, Moshe Feinstein)
  7. Rester blata/h’outspeu et demander des conseils dans un supermarché casher le plus proche à une bonne mère de famille nombreuse dont le mari barbu s’est étranglé au rayon camemberts …

Pour les autres, voici rapidement un résumé de la loi telle qu’elle est écrite:

Comme précédemment évoqué le Shoulhan Arouh (yoré déa 115), qui est le code juridique de la majorité des juifs, explique en se basant sur le Talmud ( Traité Avoda Zara 39b) que le lait doit être surveillé par un juif de peur qu’un aliment interdit n’y soit rajouté, aliment issu d’une bête impure également présente.

Voici le texte in extenso:

Cette simple assertion soulève déjà une question qui va être fondamentale pour la suite:

Est-ce un décret rabbinique (guezera) à valeur non limitée dans le temps, c’est à dire immuable, comme le pense le ‘Hatham Sofèr ( Yoré dé‘a 107) et que suivent bon nombre d’ashkenazim ? – ou bien est-ce une mesure ponctuelle qui dépend du contexte dans lequel elle a été citée et qui est motivée par la crainte (h’achach) d’un mélange interdit, comme l’écrivent le Rashbats, le Peri Hadach ou le H’azon Ich?

En l’occurrence, si mon voisin s’appelle Borat, puis-je lui faire confiance quand il me vend son seau rouillé rempli de lait, de la même manière que je peux faire confiance à une brique de lait provenant d’une usine laitière où il y a 300 vaches qui sont ‘pompées’ par des trayeuses mécaniques et où tout autre animal (même et surtout un chat) est strictement interdit ?

Déjà sur ce point, les avis diffèrent:

  • S’il s’agit d’une guezera des rabbanims, même si la raison qui l’a initialement motivée disparait, l’interdiction demeure (Af cheataam Batel, Haguezera lo Batla). Et là, fin de l’histoire: on ne doit boire QUE du lait chamour. Point final. Tout autre lait est taref (impropre à la consommation). Et c’est la position de beaucoup de décisionnaires. Voir par exemple la réponse du Tshouva meaava dans la akdama, Min’hat Yits’hak I,138 et II,21
  • S’il s’agit d’une mesure ponctuelle motivée par le h’achach (la crainte),  et que l’on considère donc que ce n’est pas une guézera derabbanan, alors on peut poursuivre l’état des lieux. Et cette option est prise par de nombreux autres décisionnaires qui considèrent le lait chamour comme une h’oumra (mesure de piété supplémentaire) qu’il conviendrait de suivre. Sans pour autant interdire le lait stam (simple) ou Nokh’i (non-juif) ou encore appelé Hakoum (commun) qui lui demeure la norme.

Dans le dernier cas il y a des grosses pointures de la Halakha qui se sont exprimés en ne rendant pas interdit le lait non-surveillé:

  • Le Kaf Hahaim (yoré déa 115,16) qui cite des décisionnaires qui le permettent: le  Tashbets, le Kaftor Vaperah, le Séfer Aitim.
  • Le H’ida écrit (Chiouré Beraha idem) que il faut s’abstenir, mais là ou l’habitude est de permettre, il n’y a pas lieu de l’en empêcher. C’est bien une H’oumra dans un sens ou une Koula dans l’autre. Mais aucune interdiction d’où que l’on se place.
  • En remontant à l’époque des  Rishonim nous apprendrons même que le Rashbash (Rabeinou Shelomo ben Harashbats) sommité rabbinique en Algérie (15eme siècle) avait déjà permit de consommer du lait de vache quand il n’y a pas de doute à son origine (שו »ת תקנד Rashbash 554). Il se base sur l’avis de son père le Rashbats, tous deux étant Av Beth Din d’Alger et références dans le monde séfarade
  • Le Peri Hadach, pour qui l’interdiction n’est que contextuelle et limitée dans le temps (i.e. il n’y a pas de guezera , juste une h’ashash)
  • Le H’azon Ich (Yoré Déa, 41,4)
  • Rav Bougid Sa’adoun cité sur universtorah.com
  • Même le Rav Ovadia Yossef, dans son Kitsour Yalkout Yossef סימן פא – היוצא מן הטמא טמא ,אורח חיים, halakha 11 et surtout 12 écrit que même s’il est préférable d’être rigoureux sur la consommation du lait chamour , il sera toléré en dehors d’Israël de boire du lait non-surveillé et que donc, quoiqu’il en soit, ce lait n’est pas taref
  • Et le plus connu sans doute, et on va voir tout de suite pourquoi, le heter (l’autorisation) de Rav Moshe Feinstein zatsal (Igrot Moshé, yoré déa, 1,47-49), visible ici.

Attardons-nous sur la décision de Rav Moshé Feinstein zatsal car en fait elle appartient aux deux catégories simultanément. Pour lui l’interdiction du lait non-chamour demeure bel et bien une guezera perpétuelle. Mais là où il innove, son h’idouch en quelque sorte, c’est qu’il considère les mesures contemporaines de surveillance vétérinaires avec contraintes légales (et la crainte tangible de l’exploitant qui en résulte) ÉQUIVALENTES à une surveillance faite par un chomer (surveillant) juif.  Le Rav Moshe Feinstein zatsal se base sur le principe de
ידיעה ברורה דהוי כראיה, c’est à dire que la conviction absolue est équivalente à « voir ». Par exemple il est connu que  si deux témoins ont vu un homme et une femme s’enfermer dans une chambre, cette connaissance fait de ces deux personnes un couple marié bien que les témoins ne les aient pas vu s’unir. Puisque nous sommes convaincus ici que l’exploitant  ne met que du lait de vache, c’est équivalent, toujours d’après Rav Moshe, à « israel roehou« , soit à un juif qui supervise. En d’autres termes le lait Candia ou Lactel par exemple sont donc strictement non plus du lait hakoum, mais du lait chamour à tous égards !:

« étant donné que les lois dans les pays occidentaux sont très sévères à ce sujet, il y une excellente raison de se reposer sur les décisionnaires qui permettent de même que permettent un grand nombres de très religieux, ainsi que de nombreux rabbanim; et loin de nous de dire qu’il ne vont pas dans le droit chemin. Pourtant les pieux s’abstiendront… »

La réponse du Rav Feinstein zatsal s’applique a tous les pays ou la législation est stricte. La France en fait partie.
Voila un extrait de sa réponse (techouva Yore Dea I, 47 donc:)

ולכן בחלב שאסרו רק בחלבו עכו »ם ואין ישראל רואהו יש להתיר גם בישראל יודעין ידיעה ברורה דהוי כראיה. וזה שאם יערבו יענשו ויצטרכו לסגור העסק שלהם שהוא הרוחה של כמה אלפים והממשלה משגחת אליהם הוא ודאי ידיעה ברורה שהיא כראיה שלא היה בכלל איסורם. וזה הוא גם לכו »ע דאין טעם לחלוק בזה ולכן הרוצה לסמוך ולהקל יש לו טעם גדול ורשאי וכמו שמקילין בזה הרוב בנ »א שומרי תורה וגם הרבה רבנים וח »ו לומר שעושין שלא כדין.

Si l’État punit les contre-façons,  par exemple, du lait ne provenant pas de vaches mais vendu comme tel, cela suffit pour permettre le lait. C’est donc une svara (réflexion rationnelle et objective) sur laquelle se base le Rav.

Conséquences:

  • La toute première , malheureuse, c’est l’abus de langage: Pour le Rav Moshe Feinstein zatsal le lait américain est équivalent à un lait chamour. Pour autant il y a quand même un degré de rigueur supplémentaire quand la traite est intégralement supervisée par un surveillant juif. Mais au lieu de parler de lait chamour (le lait standard) et de lait, disons, super-chamour (le lait standard surveillé), on est retombé dans l’ancienne terminologie de lait Hakoum ou non-surveillé (par un chomer) et lait chamour ou surveillé par un chomer, ce qui a en fait dissipé la force du message de Rav Feinstein zatsal.
  • Pour le reste concrètement, et depuis la publication de cet Heter (autorisation), soit en 1954, l’organisme orthodoxe de cashrout américain ‘OU’ permet d’utiliser du lait non surveillé provenant du territoire national. En pratique, lorsque vous vous régalez d’une barre chocolatée venue d’une autre planète ou même d’un Kinder ou d’une Ben&Jerry, c’est parce que le sigle OU a accepté de valider l’utilisation de lait non-chamour.
  • En Israël, les productions d’industriels utilisant du lait importé le mentionne sur leurs emballages, ce qui n’empêche pas l’apposition de Hachgah’ot très sérieuses  (bien que non laméhadrin c’est à dire ‘satisfaisant à toutes les mesures de piétés’) rendant le produit parfaitement casher
  • Dans la propre yeshiva (académie talmudique) du Rav Moshé Feinstein, ‘Metivta Tiferet Yeroushalaim’ à New York, jusqu’à récemment (soit plus de cinquante ans après la responsa) le distributeur de confiseries et de cafés contenait des produits au lait non-chamour !

Voilà. On a fait le tour de la question. Il y a donc deux tendances claires qui s’opposent et une troisième originale, celle de Rav Moshe Feinstein zatsal, qui permet de concilier les deux grâce au constat des mesures répressives en place dans les pays à fort industrialisation (USA, Canada, France, UK…). C’est sur cette permission qu’en France, le Beth Din s’appuie depuis plusieurs décennies, ce qui justifie les produits laitiers non surveillés dans sa fameuse liste. C’est ce que résume assez bien le Rav Ron Chaya sur son site en date du 20 octobre 2009:

Au niveau de la halakha pratique, il y aura certainement une mesure de piété de ne boire que du lait Israël, c’est-à-dire du lait trait sous surveillance, mais on ne peut pas complètement interdire et empêcher ceux qui veulent boire du lait sans surveillance et conforme à la législation de le faire.

De même le Rav Zecharia Zermati écrit sur son site toratemet.net, en ce qui concerne les séfarades :

Un juif d’origine nord Africaine peut tout a fait consommer du lait non surveillé en Houts la harets se basant ainsi sur l’autorisation des Rishonim de sa communauté.

Devez-vous alors oui ou non boire du lait chamour ? La réponse est OUI évidemment ! Il n’y a aucune divergence sur ce point : chaque juif doit s’efforcer de boire et de consommer du lait chamour. Qui plus est, le lait chamour aurait selon la Kabbale des vertus spirituelles importantes et par exemple c’est ce qui a forgé l’opinion du Rav Mordehai Eliahou. Mais comme on l’a vu le problème ne concerne pas le lait chamour. La question est de savoir si le lait standard du commerce est interdit (taref) ou pas. C’est précisément sur ce point que les autorisations que nous venons d’évoquer peuvent vous aider à trancher. A la seule condition que vous n’ayez pas de Rav ou d’autorité rabbinique de référence (par défaut le Beth Din de France). Parce que dans ce cas, c’est à eux qu’il vous faudra demander et suivre les prescriptions énoncées.
Soulagé ? Je dois à présent vous laisser, j’ai un pot de Ben & Jerry’s Vanilla Like it Oughta Bee qui m’attend…

THE EN…

Quoi? comment ? il y a des objections ? On nous mentirait ? Ah bon ?!?

Qu’entendons-nous systématiquement lorsque nous évoquons ce sujet, et ce même (et surtout) parmi les gens de Torah :

  1. On ne peut pas faire confiance à des exploitants français sans surveillances qui peuvent rajouter du lait de truie dans leurs citernes. ‘On‘ a des témoignages formels sur cette pratique en particulier! D’ailleurs ‘on‘ prétend qu’en France contrairement aux USA, il est certain qu’il y ait un risque de mélange. Donc aucune autorisation d’assouplissement n’est valable sur le plancher des vaches gauloises.
  2. Le psak (décision rabbinique) de Rav Moshe Feinstein zatsal ne s’appliquerait que sous certaines conditions comme par exemple si vous êtes perdu au milieu de l’Auvergne, enceinte de 12 mois de quintuplés, et qu’il n’y ait aucun moyen de vous procurez du lait Chamour
  3. La Liste du Consistoire de France qui autorise le lait non surveillé n’est pas utilisable pour les juifs qui vivent dans des agglomérations qui proposent des produits strictement casher. C’est une liste qui a été initiée à une époque où en France il fallait bien se nourrir et que la nourriture casher n’était pas aussi abondante et facile d’accès qu’aujourd’hui.

Avant de répondre, je reprendrai ce que répète à loisir le Rav Dreyfuss de Bné Brak lors de ses visites en France:

Le *vrai* rôle d’un Rav c’est d’autoriser. Parce qu’interdire, c’est facile, tout le monde peut le faire. Mais trouver des preuves pour autoriser, ça, c’est réservé à l’élite, la seule qui vaille !

Autre préliminaire, toute personnelle celle-là: il est une tendance, saine, forcément saine, dans le judaïsme qui se base sur un principe de précaution et qui se justifie par bon nombre d’enseignements talmudiques (ne serait-ce que la première mishna des Pirke Avot, « et faites une haie autour de la Torah« ). Du coup, il y a un mouvement, parmi les juifs, d’être tout le temps méfiant, distancé, martial dès que les sujets commencent à être limites. Ce n’est pas généralisé, mais c’est un trait permanent, ai-je constaté, dans les débats talmudiques. Il y en aura toujours un qui sera réticent ou qui interdira le tout par peur qu’une partie soit problématique. A sa décharge le public pratiquant l’y pousserait même, comme le dit souvent le Rav Méïr Rebibo:  » Y en a, plus ils interdisent, plus on les prend pour des grands » …

Ceci posé, pour le premier point, commençons par être un peu raisonnable:

  • Qui peut sincèrement croire que les normes d’hygiènes et de contrôles vétérinaires en France soient moins élaborées que dans le Middle-West américain en 1954 – date de la publication du Rav Moshé Feinstein ? Qui peut une seule seconde penser que les contrôles qualités effectués dans le Cantal soient moins pertinents que dans la boutique de Mme Olson, du Kentucky, en 1954 donc, qui reçoit la visite du FDA qu’une fois passés les canicules, les strong storms et les ouragans ?
  • Concernant le lait de truie à présent. J’ai en effet entendu personnellement, de la part d’un bné torah de bonne foi qui m’a fait un témoignage incontestable sur du lait de truie prélevé. Oui mais comment ? combien ? pourquoi ? Voici ce que le Rav Wolff, une référence en matière de cashrout, ex-Dayan de Marseille, et actuellement Grand Rabbin d’Amsterdam , qui a été le premier à expliquer pourquoi tous les saumons fumés aux feu de bois étaient autorisés (sous les cris d’orfraie) , voici donc ce que ce Dayan écrit sur le site techouvot.com:

Effectivement, il est déraisonnable d’affirmer qu’un lait UHT en France pourrait contenir du lait de truie, c’est impossible. Mais cela n’affecte en rien la Gzéra des ‘Ha’hamim. . Il faut quand-même savoir que sans toutefois « traire » les truies, il est courant chez les éleveurs de faire des prélèvements de lait chez la truie qui vient de mettre bas (ce lait est plus riche) pour le conserver et le réinjecter plus tard dans l’alimentation porcine. Il peut aussi servir en laboratoire dans la recherche médicale. Bien que totalement absent dans le commerce, le lait de truie n’est pas totalement inexistant.

  • Sur la truie en particulier de rapides recherches sur le Toile montrent que l’exploitation de son ‘lait’ est un vrai tour de force: sa période de lactation est très courte, désaisonnalisée, techniquement difficile du à la petitesse de ses ‘pis’ et à son agressivité naturelle. Ce n’est pas pour rien, que dans le pays qui se vante de trouver tout de bon dans le cochon, il n’y ait pas de crème, de lait, de fromage, de beurre ou tout autre dérivé du lait de truie !
  • Plus globalement concernant tous les autres risques (ânesse, jument,…) Le Rav Wolff poursuit en écrivant :

« En effet, d’après toute évidence, hormis une histoire par ci et par là, il n’y a pas de mélanges dans les laits de coopératives.« 

  • Imaginez à présent la scène: l’exploitant a une barrique d’un litre de lait de jument ou de truie, qu’il a obtenu après beaucoup d’effort. Il a le choix entre transférer son lait à l’industrie de la cosmétique ou des laboratoires qui lui paieront un bon prix, ou bien transvaser son contenu dans la cuve de 1000 litres de lait de vaches, payé  moins de 28 centimes d’euro le litre. De plus s’il se fait attraper par les autorités il sera soumis à une forte amende. Quel serait son intérêt ? …Langue au chat (qui trempe déjà dans son bol de lait) ? – je vous ai épargné la rumeur sur le lait de chamelle. On veut bien rigoler ici mais y a des limites…

Pour le deuxième point, on fait souvent mentions de restrictions telles qu’aujourd’hui on ne saurait plus se baser sur le psak du Rav Moshe Feinstein zatsal. Et là dessus on entend tout (et peut-être aussi n’importe quoi).
Alors, là, mes amis, j’ai eu beau cherché je n’ai pas eu le début d’une référence objective sur ces restrictions. Si quelqu’un en a, je suis preneur. Mais attention, pas de ‘un tel a vu un texte qui en parlait’ – comme c’est le cas de ceux qui évoque le Rav Sternbuch qui témoigne l’avoir entendu dire du H’afetz Haïm (dates à vérifier puisqu’il est niftar en 1933…)  et ce, tandis que le propre fils de Rav Moshé Feinstein, Rav Dovid Feinstein, maintient que le heter de son père n’était pas assorti de ces restrictions. Je souhaiterais donc, moi comme tout le monde, les références exactes, de la main du Rav, qui explicitent ces restrictions. Ce qui est sûr c’est que tel qu’il l’a écrit dans son Iguerot Moshé (Yoré Déa 1,47), son psak est applicable ici et maintenant. Et puisqu’il s’agit de commenter ce qui apparait explicite dans la réponse du Rav, je ne saurai trop vous conseiller deux liens – en anglais, désolé mais ils valent le coup – qui reprennent une étude détaillée de la question du Rav et surtout de sa réponse:

  1. Kol Torah.org
  2. Vosizneias

Sur le troisième point, c’est peut être celui qui m’insupporte le plus. L’institution du Beth Din de Paris, pour ne prendre que la plus importante, existe depuis des décennies. Il est traversé par des courants à la fois politiques, administratifs, religieux et finalement humains, qui font de cet établissement un lieu privilégié pour la confrontation et les rumeurs détestables. Ma position en tant que simple consommateur est claire: je n’arrive pas à croire que tous les Dayanim (juges rabbiniques en chef) qui se sont succédés soient des incapables, des incompétents ou des menteurs. Il n’y a pas de liste « casher pour les uns » alors qu’elle serait « taref pour les autres » :  Le juif du Morbihan, même s’il est dans un trou perdu, doit respecter la même casherout que celui de Pavée. Parce que c’est casher ou taref, il n’y a pas de milieu !
La liste du Beth Din, si elle ne convient pas, doit être déclarée taref. Mais au moins qu’un Rav se lève et se lance publiquement dans la bataille. On ne peut pas rester dans cet entre-deux. Sauf a accepter la liste comme étant ce qu’elle prétend être : 100% casher , y compris dans sa décision envers le lait non surveillé ! Si cela est une erreur du Beth Din il faut urgemment le faire savoir et que les rabbanim fassent une vraie table ronde, officielle celle-là, pour en décider une bonne fois pour toutes. Et pas ce petit comité privé de rabbanim, aussi respectables soient-ils mais ne représentant qu’eux-mêmes, et qui plus est sans aucun contradicteur, dont un magazine commercial publie les conclusions comme on communiquerait une recette de cuisine.
Enfin, plus généralement, se contenter de murmurer dans les couloirs des baté midrachot, les collelim ou les yeshivot ne sert à rien du tout. Sauf à fragiliser et délégitimer une institution indispensable, hier comme aujourd’hui, au judaïsme français.

Et puisque personne ne dit rien publiquement, je veux dire officiellement et à la connaissance de la communauté juive toute entière dans le respect des institutions si chèrement mises en place depuis des siècles, en attendant comme dit le dicton, qui ne dit mot, consent

Encore une fois, je me répète mais le sujet est d’importance, nul ne peut s’approprier le monopole de la cashrout. Ni le Consistoire ni Pavée ni les H’abad. Parce que tout simplement il n’y a pas plusieurs cashrout. Il n’y en a qu’une seule. Hors du casher, le taref. C’est net et précis. Qu’ensuite on échange sur les mesures préventives plus ou moins sévères, c’est une chose. Mais le statut de cashrout est par essence ‘manichéen’. En particulier, un lait est soit casher soit taref. Si l’autorité compétente et réputée comme telle appose, après études que l’on exige sérieuses, son cachet, il n’y a pas de dissensions à mener à l’extérieur de son enceinte. Et encore moins dans le Cachère Magazine, société à but lucratif, dont l’intérêt premier peut ne pas être lichma. Car sinon que penser du Beth Din de Paris si son autorité est contestée publiquement par le premier venu ? Est-ce là une manière de régler des questions halah’iques dont les conclusions sont si engageantes pour la Communauté ?
Je ne sais pas comment va se finir cette guéguerre (il est fort à parier qu’on l’étouffe rapidement), mais ce n’est pas le Judaïsme français, dans sa diversité, qui en sort grandi…

A présent, à mon tour, j’aimerai aussi soulever quelques objections sous formes de questions pour lesquelles je ne trouve pas de réponses satisfaisantes:

Première question:

Il faut savoir que les Tanaïm (Sages talmudiques) il y a environ 20 siècles ont autorisé le beurre non surveillé issu du lait de vache car déjà à l’époque ils avaient prouvé que tout mélange avec un lait impur compromettrait la couleur, la consistance ou tout simplement la réalisation de ce beurre. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui par exemple on peut se servir du beurre n’importe où , à condition qu’il ne contienne aucun additif, c’est-à-dire, qu’il soit extra-fin.

Revenons au XXIe siècle:

Voici un tableau issu de Wikipedia qui reprend la production laitière notamment en France et sa déclinaison :

La production mondiale de lait s’est élevée en 2007 à 679 millions de tonnes, et à 25 millions de tonnes en France. Elle se répartit ainsi :
22,2 milliards de litres de lait sont collectés et livrés à plus de 700 sites de transformation qui emploient 60 000 personnes. La plupart de ces 22,2 milliards de litres sont consommés sous une autre forme que du lait liquide, qui ne constitue que 11 % de la collecte. Le chiffre d’affaires de l’industrie laitière en France est de 23.4 milliards d’euros. Le tableau ci-dessous regroupe les statistiques 2007 relatives à la production et à la transformation du lait (source [4]).
Part de la collecte (matière sèche utile collectée)
Produit part en % poids de produits final en tonne sauf lait liquide
Fromages 38 % 1 750 000
Beurre 20 % 411 000
Lait en poudre 12 % 517 000
Laits conditionnés 11 % 3,8 milliards de litres
Yaourts et desserts 7 % 2 200 000
Crème 6 % 351 000
Total des produits de grande consommation 75,5 %
Poudre de lactosérum 4 % 629 000
Caséines 2 % 38 000
Total des produits industriels 24,5 %
En résumé, sur toute la production laitière, y a 11 % de lait liquide et 20% de beurre. La majorité part en fromage.
Alors imaginez une citerne classique de 1000 litres.
Imaginons ensemble aussi 1 litre de lait de truie (ou de chamelle, soyons fou).
Admettons que ce ne soit pas batel (annulé) c’est à dire que le paysan soit un pur antisémite et qu’il verse son lait impur dans la citerne  volontairement (en crachant et en insultant en allemand même – ça y est, vous vous figurez bien la scène ?).
Je prends 110 litres pour en faire des briques de lait.
Elle seraient interdites parce que non chamour d’après la tendance dure sur le sujet. Qui plus est, pour le coup, les partisans de cette ligne de conduite auraient raison.
En revanche là où le bât blesse, c’est que de la même citerne je prends 200 litres et j’en fais 150 kilos de beurre et là tout le monde est content: plus d’histoire de lait  chamour, tant qu’il n’y a pas d’additifs, que c’est de l’extra fin ou AOC, c’est casher !
Voila ce qu’en dit le Rav Eliezer Wolff:
On n’a jamais interdit le beurre, contrairement au lait, car il n’était pas possible jadis de fabriquer du beurre avec le lait d’une bête impure. De nos jours, bien qu’il soit envisageable, en utilisant certains émulsifiants, d’ajouter du lait interdit, le beurre industriel bien que non baratté reste permis.
Or voila que devant moi j’ai mes 150 kilos de beurre, c’est donc bien la preuve que ce lait est casher dès l’origine, car sinon jamais d’après les Tanaïm je n’aurai été capable de faire du beurre.
Mais cette raison est aussi valable pour le lait en brique non ? Ce n’est pas très logique tout ça…
Deuxième Question:
Nous devons surveiller que dans les œufs que nous mangeons ne s’y trouve pas une trace de sang, preuve potentielle que l’œuf ait été fécondé. Or il interdit au juif de boire du sang (Lévitique, III, 17 et Sefer Hah’inou’h §147). Sans rentrer dans les détails, sachez juste que l’on est en droit de manger des œufs durs, donc sans plus aucune possibilité de vérifier l’éventualité d’une trace de sang, sous l’argument plein de bon sens, que le rov (la majorité) des œufs étant non fécondés, il n’y a pas à craindre la survenue de sang.
Très bien. J’ai envie de dire: Kippa! (pas encore Chapeau!). Parceque là aussi il y a un risque qu’un paysan indélicat y place un œuf fécondé.
Mais alors pourquoi cet argument n’est-il pas aussi valable pour le lait récolté chez les exploitants !
L’écrasante majorité du lait industriel provient de la vache. En quoi est-ce différent ?

Troisième Question:
Reprenons notre citerne, et comme pour 12% de l’exploitation globale (soit encore une fois PLUS que pour le lait en brique qui ne représente que 11%) considérons la poudre de lait. Le récolte étant non surveillé, nous parlons donc d’une poudre de lait non surveillée également. Par exemple comme on l’a vu le H’atam Sofer interdit ce lait non surveillé, mais si je le laisse sécher dans une tour industrielle pour en faire de la poudre de lait, là, en m’appuyant sur la décision du Grand Rabbin de Jerusalem Rav Hirsh Pessah Frank zatsal reprise par la Rabanout Harachit LéIsraël, il devient casher, parce qu’assimilé à du beurre. Étrange non ?
D’ailleurs, me vient une idée de ‘cashérisation’ du lait akoum : si je prends du lait non surveillé. Que je le fais sécher. Que j’en récolte la poudre. Que je la rehydrate pour ravoir exactement le même volume initial. Le lait reconstitué, est-il chamour et donc casher lamehadrin ? En fait non, le H’azon Ish considère la poudre de lait comme du lait, d’où la notion en Israël mentionnée dans les emballages sous « Avakat ‘Halav Nokhri » , c’est-à-dire « poudre de lait non-juive ».
Sauf que dans ce cas la majorité des décisionnaires permettent sa consommation (voir Har Tsvi, yoré déa 103). Il est clair que dans cette réponse, ne sont pas pris compte les problème de cacherout dû au mélange avec d’autres ingrédient ou colorant.
Mais avouez que c’est perturbant de considérer cette poudre de lait non-taref, alors qu’elle peut provenir d’un lait qui peut l’être, lui, tout à fait. Pourquoi cette différence ?

Quatrième Question :
Là j’avoue, je tiens cette réflexion d’un ami dont un collègue était ancien chomer (surveillant) pour une entreprise qui produisait du lait chamour. Il est à ma connaissance de bonne foi mais c’est un témoignage de seconde main. Ce monsieur a raconté que dans la réalité il n’y a pas un chomer par exploitation, mais plutôt un chomer qui doit vérifier la traite de plusieurs exploitations (disons 5) que lui seul choisira au hasard le moment venu. La crainte d’être inspecté par le chomer, crainte commune à toutes les exploitations, suffirait à rendre tout le lait chamour. Très bien, c’est en effet autorisé par le Kaf Ha’haïm (115,9), le Taz, paragraphe 3 et le Chakh, paragraphe 4. Mais en quoi est-ce différent des inspections vétérinaires que la législation française en vigueur met en place ? N’est-ce pas reprendre l’argumentation du Peri H’adach qui revient à dire que le h’achach (la crainte) du mélange est la cause de l’interdit , et qu’une fois celle-ci levée, paradoxalement par une autre crainte, cette fois-ci imposée à l’exploitant, l’interdit disparait ?

Question Bonus:
Une remarque qui n’a rien à voir sauf sur l’emploi pas toujours cohérent des ‘autorisations’ rabbiniques. J’ai beaucoup de mal à concevoir la rigueur, certes louables, des bné Torah insistant pour ne pas prendre en compte le heter de Rav Moshé sur le lait industriel, tout en allumant quant à eux, cigarettes sur cigarettes. Tandis même que la majorité des Posskim (décisionnaires halahiques) interdisent formellement le tabac- pour des raisons de santé évidentes. Mais il s’en trouve hélas encore, pour continuer à cloper en s’appuyant sur l’autorisation…du même Rav Moshé Feinstein !
Je tiens à préciser que d’après le gendre du Rav Moshé (Rav Moché Tendler), avec les connaissances actuelles des méfaits de la cigarette, qu’ignorait à l’époque Rav Moshé,  jamais cette éminence n’aurait continué à accepter qu’un homme puisse fumer. Rav Tendler décrète même que fumer est un issour déoraïta (interdiction biblique). Catégorie la plus grave. Mais là étrangement, l’argument ne passe pas…Boire du lait chamour après la première cigarette du matin, ne semble pas gêner outre mesure.

Conclusion:

J’ai commencé cet article qui se voulait synthétique et qui a finit par être comme d’habitude beaucoup trop long, par un mot de Manitou.A présent j’aimerai vous rappeler un vieux dicton yiddish (à lire donc avec l’accent) qui dit très justement:

« Taref, il mangeait avant. Glatt il mange maintenant. Casher, jamais il a mangé »

Dire qu’il faille boire ou utiliser que du lait chamour revient strictement a dire que du lait non-chamour est taref parce qu’en casherout, c’est absolument et proprement binaire: c’est cacher ou taref, il n’y a pas de juste milieu. Tandis que dire que le lait chamour est une h’oumra ne vient pas nier que le lait Hakoum soit casher. C’est la grosse différence ! Par ailleurs il me semble que l’on tombe en ce moment dans  l’exacte erreur que le Rav Moshé Feinstein zatsal voulait justement éviter, lorsqu’il écrivait sa responsa. Lui même buvait du lait chamour, et encourageait tous les juifs à être mah’mir (exigeants) s’ils le pouvaient à ce sujet. Mais cela ne l’empêchait pas de prouver que le lait industriel était sans aucun doute possible casher. Il n’y a aucune raison pour déconsidérer ou dénigrer ceux qui ne boivent pas du lait chamour. Car tout le monde au final boit du lait casher… Sans oublier le risque de mélanges Bassar véHalav qui vient empirer la situation en faisant de cette histoire de lait, une vraie boucherie parmi les rabbanim.

Source:

Google
cheela.org
techouvot.com
universtorah.com
Wikipedia
hebrewbooks.org
Mon téléphone et mon email…

Ante-Post-Scriptum: A celles et ceux qui m’ont opposé une possible mauvaise foi de ma part (dans le meilleur des cas) concernant l’usage que j’aurai fait du discours du rav Dreyfuss, j’ai eu l’occasion de lui demander en tête-à-tête des éclaircissement sur ce qu’il a dit:
– Lorsque vous dîtes que le travail d’une autorité religieuse est de trouver des autorisations, parliez-vous uniquement de votre domaine (taharat hamichpah’a) ou en général ?
– Mon domaine ? Mais c’est celui de la halah’a ! Il ne faut pas chercher à interdire systématiquement quelque soit le sujet ! C’est trop facile. Si quelqu’un d’aisé me demande son avis sur un etrog, qu’il est prêt à acheter la Rolls, je lui conseillerai dans ce sens, oui. Mais un commerçant qui est en difficulté, c’est un devoir de l’aider dans ses démarches, dans un heter iska par exemple en sachant bien ce qui relève de la koula, et de la h’oumra.

Voilà, donc merci à mes lecteurs attentionnés de pas être plus royaliste que le roi, et d’interpréter faussement ce qui n’était pas dans l’intention du Rav Dreyfuss, et que, heureux hasard, j’avais finalement mieux compris qu’eux.

PS: je vous rappelle encore une fois que la seule référence qui vaille sur cette question, ce n’est pas ce billet écrit par un ignare, mais votre Rav. Conformez-vous à ses indications. Par ailleurs si l’ignare a assez de temps libre, il se penchera sur la notion de batel béchichim dans le cas où malgré tout certains persisteraient à ne pas  croire que les mélanges sont impossibles en France…
PPS: il faudrait aussi expliquer que selon la référence que l’on se donne, on peut accepter le lait non surveillé comme une Koula (assouplissement) et le lait chamour comme la norme. Mais même dans ce cas, le lait non surveillé n’est donc pas taref au sens strict car aucune Koula ne vient rendre permis ce qui est fondamentalement interdit. Par ailleurs, je suis toujours dans l’attente de preuves que la liste du Consistoire procède d’une oraat shaa (permission en cas de nécessité forte)… Des amateurs ?
PPPS: Ah mais maintenant, me dit-on, les vaches non-surveillées par un chomer peuvent rendre leur lait taref sachant , et c’est vrai, qu’elles subissent parfois des interventions chirugicals qui les rendent taref. Certes, mais là encore la loi de la majorité, le rov, doit intervenir. N’est ce pas ? De plus qui certifie que le lait chamour ne provient pas de ce type de vaches: la surveillance ne vaut que pour la traite. Alors ?
PPPPS: Dans le numéro de Chavouot, le Cachère Magazine publie la réponse du Dayan de Créteil, le Rav Chimon Charbit, dont la réputation de respectabilité n’est plus à faire, qui très sereinement explicite le point de vue défendu par certains de ses collègues. Pour lui, il n’est plus question de risque de mélange dans les exploitations françaises, mais preuves à l’appui il démontre que du lait est importé en France venant d’entreprise comme Lactalis qui ont des usines en Pologne et important elles-mêmes du lait d’Ukraine. Voilà j’allais dire ENFIN un vrai argument en faveur du lait chamour.  Qui nous dit, après tout, que le lait français n’est donc pas en fait du lait Ukrainien ou comme l’évoque le Rav Charbit, provenant de Nouvelle-Zélande ? Qui connait les normes de qualité là-bas ? Il y a donc un sérieux doute.
J’ai échangé avec un représentant de la FNPL (que je remercie chaleureusement pour la rapidité de sa réponse). voila ses propos:

La nouvelle Zélande est l’un des principaux exportateurs mondiaux de produits laitiers, mais le grand export concerne essentiellement le beurre, les poudres et certains fromages (pour cette dernière catégorie, l’UE est leader sur le marché mondial, et la France en bonne position)

Concernant le lait en brique, si la majorité du lait vendu en France est d’origine française, les importations en provenance notamment d’Allemagne sont en augmentation régulière depuis quelques années. Cela provient essentiellement de la politique d’achat de certaines grandes enseignes de la distribution française qui vont chercher du lait allemand pour accentuer la concurrence des fournisseurs français et donc de faire des opération plus rentables en termes de marges.

A noter que la distribution allemande n’a pas la même attitude et demeure plus « nationaliste ».

Je puis vous assurer que la qualité du lait est extrêmement surveillée en France et dans l’Union Européenne. Il faut bien distinguer le lait sorti de la ferme et le lait transformé (en produits laitiers, y compris le lait liquide de consommation, puisque celui-ci est thermisé et éventuellement partiellement ou totalement écrémé). Chaque maillon de cette chaine est très encadré par des normes de qualité et donc des analyses systématiques.

Pour la production, nous avons des laboratoires qui analysent le lait produit sur la ferme (et s’il ne répond aux différents critères de qualité, il n’est pas utilisé par les transformateurs qui eux-mêmes font des analyses de citernes). Le lait est un produit vivant tant qu’il n’est pas thermisé, il doit donc être très surveillé.

Ensuite chaque produit laitier a ses propres définitions et ses normes de qualité qui sont également très précises et très surveillées.

Pour la France, et pour les mêmes raisons de transport, le lait liquide est donc essentiellement du lait français, voire en provenance de pays laitiers limitrophes comme l’Allemagne. Si l’indication de provenance n’est pas encore normalisée et provient généralement du marketing des distributeurs ou des entreprises, cela est néanmoins surveillé notamment par les services de la DGCCRF. Il y a, par ailleurs, sur chaque brique ou bouteille de lait un tampon vétérinaire dans un ovale où les premières lettres affichent le pays d’origine (FR pour la France, DE pour l’Allemagne,…). Nous avons également, à la FNPL, déposé un logo « Eleveur Laitiers de France » qui figure sur certains produits (comme la marque «Le lait d’ici »), qui, je l’espère va être de plus en plus utilisé par les entreprises, et qui garantit la provenance française du lait.

 Pour plus de précision sur les aspects qualité, peut-être pouvez-vous vous documenter auprès de la DGAL (Direction Générale de l’Alimentation) au Ministère de l’Agriculture, ou encore auprès du service qualité du CNIEL (Centre National de l’Interprofession Laitière).

Que retirer de ces échanges ? Quand bien même en effet la France importe de plus en plus de lait, cela demeure marginal parmi l’écrasante proportion de lait venant d’exploitations locales.
Vous pouvez suivre l’importation du lait sur ce lien, de la FAO : http://faostat.fao.org/DesktopDefault.aspx?PageID=535&lang=fr#ancor.
Parmi donc cette minorité, celui que nous buvons dans nos briques proviendrait majoritairement d’Allemagne, dont le lait n’est pas importé. Viendrait-il d’un autre pays européen ? Ce pays serait forcément limitrophe et les normes de qualité avant son arrivée en France sont identiques au lait gaulois. Ferait-on venir du lait d’un pays encore plus loin (Russie, Chine, Nouvelle-Zélande) ? Absurdité économique lorsque l’on connaît le coût du transport. Je ne parle évidemment ici que du lait liquide. Ni du fromage, ni du beurre ni d’autres produits finis manufacturés. Y aurait-il un doute sur la provenance du lait ? Des tampons visibles sur toutes les briques vous les dissipent. La France a-t-elle intérêt à privilégier son propre lait ? Pas évident mais les Markéteurs, eux, clairement oui, et c’est pour cela que chez des enseignes comme Monoprix, Dia, et les autres , est fièrement affiché les mentions « Lait 100% de France », « produit d’exploitations situées à moins de 300 km, pour limiter l’impact carbone » etc. En résumé, il y a donc légitimement un doute pour savoir si le lait en brique provient hors de France. Ensuite il y a un second doute pour savoir si ce lait, peut-être non-français, provient d’un pays aux normes moins rigoureuses. Enfin il y a un doute sur le doute sur le doute de savoir s’il y a du lait interdit.

Sfek sféka patour non ?

À propos trente-trois
Papa encore trentenaire, contrarié et jamais contrariant, je souhaite pouvoir dégager suffisamment de temps pour pouvoir aborder tous les sujets qui me questionnent, m'interrogent et me révoltent (car oui, camarade, ça me révolte). Conscient que cette description est pour le moment inintéressante, je vous engage à œuvrer dans les commentaires qui vont suivre pour en savoir plus...

31 Responses to ♥♥♥ Ah Chamour…Toujours ! ♥♥♥

  1. Ben says:

    Merci de vous pencher ce sur problèmes.

    « Le juif du Morbihan, même s’il est dans un trou perdu, doit respecter la même casherout que celui de Pavée.  »

    Je passe mes vacances en Bretagne (dans le morbihan qui plus est) , les dernières vacances nous avons transporté 12 packs de lait (oui 6*12) , nous faisons attention de prendre que du lait chamour (super chamour 🙂 ), je pense aux autres juifs qui pour des raisons de logistique ne peuvent en faire autant.

    Bravo

  2. sarah says:

    il y’a plusieurs details qui ne sont pas tout a fait exactes dans votre article informez vous aupres de professionels dans la fabrication du beurre du fromage ,informez vous aupres de chimistes ,et je ne crois pas que rav Dreyffus que je respecte enormement aimerait apprendre que vous reprenez une de ses phrases favorites en la remettant dans un contexte tout a fait different (il est vrai qu’en matiere de purete familiale ceux qui savent trouver des permissions font partie de l’elite comme david hamelech …)
    ceux qui cherchent la facilite peuvent arriver a trouver des premissions meme pour manger du porc en demandant a un non juif de les menacer de mort…
    si on a la crainte et surtout l’amour de D… on ne se contentera pas de faire le minimum (ou parfois moins!)
    mais pour Hakadosh Baruch Hu qui aujourd’hui nous donne la possibilite de trouver une variete de produits cacher ,il convient de faire le maximum pour suivre la HALACHA!!!
    kol tuv

    • trente-trois says:

      En effet Sarah, je suis un parfait ignorant en ce qui concerne le monde de la traite laitière et, plus grave encore, celui du Talmud. Je ne prétends à rien d’autre que de présenter les informations publiées dans les sources que je cite. Notamment en me basant sur les déclarations de « sachants » ou de « professionnels » qui sévissent sur cheela.org ou techouvot.com et qui, en tous cas pour le Rav Wolff, n’ont pas à rougir devant un chimiste ou une motte de beurre. Sauf si ses connaissances de Dayanout et l’expérience sur le terrain pendant de nombreuses années parmi pléthores d’homologues européens ne soient décidément toujours pas suffisants. Quoiqu’il en soit je serai plus que ravi que vous enrichissiez par votre contribution ce sujet qui le mérite. Mais avec des remarques évidemment argumentées et vérifiables et non dogmatiques qui, elles, par définition n’appellent aucun débat. Par ailleurs que le Rav Dreyfuss me pardonne si en effet j’exploite une de ses déclarations: j’ai la faiblesse de croire que ses leçons concernent le judaïsme dans son ensemble et pas nécessairement son domaine de prédilection. Si mon extrapolation est outrancière, je la retirerai d’autant plus volontiers qu’elle ne me sers pas en tant que base argumentaire. Enfin, je suis heureux que vous ayez lu mon article, mais je regrette que la conclusion vous ait échappée – certainement parce que j’ai du mal me faire comprendre: comme vous, je ne souhaite qu’une chose, le respect de la Halacha. C’est pour cela que j’ ai écris par deux fois que boire du lait chamour doit être un souci permanent chez nos coreligionnaires – sans que le lait stam soit pour autant taref, comme cela a été écrit dans le Cachère-Magazine. Il faut juste que l’on s’entende sur ce qui est la loi et ce qui est une H’oumra. Parce que comme le dit le Talmud: « celui qui ne fait que des H’oumrot est un imbécile, celui qui ne fait que des koulot, est un racha« . J’attends donc avec intérêt vos remarques, à vous ainsi qu’à tout celui qui permettra de percer ce nuage…de lait ;-). Amicalement.

    • ben says:

      Bonjour,

      « si on a la crainte et surtout l’amour de D… on ne se contentera pas de faire le minimum (ou parfois moins!)
      mais pour Hakadosh Baruch Hu qui aujourd’hui nous donne la possibilite de trouver une variete de produits cacher ,il convient de faire le maximum pour suivre la HALACHA!!! »

      Rabbi Hakiva repond qu’aimer son prochain est la chose la plus importante.
      Il ne s’agit pas de s’asseoir béativement devant son voisin juif et de « l’aimer ».

      Non il faut l’aider à progresser dans le judaïsme, il est certain que toutes ces discussions ne sont pas en effet faites pour quelqu’un de pratiquant vivant dans le 19eme où il y’a plus d’épiceries cachères que de monoprix, non cela est fait aussi et surtout pour les juifs « traditionalistes » ceux qui lorsqu’ils se rendent chez monoprix essayent d’acheter le maximum de produits « cachères », ceux qui prennent un kinder à la boulangerie près du boulot au lieu d’acheter un croissant.

      Alors pour eux il faut faire haavat israel, couper les cheveux en 15 essayer de leur trouver une permission lorsque cela est possible. (nous parlons du lait non chamour permis et consomme par beaucoup d’orthodoxes (« OU-D » par ex) je vous le rappelle)

      Pour finir vous dites « mais pour Hakadosh Baruch Hu qui aujourd’hui nous donne la possibilite de trouver une variete de produits cacher ,il convient de faire le maximum pour suivre la HALACHA!!! »

      Sortez de paris vous verrez, suffit de se rendre à Chartres, l’épicerie cachère la plus proche est à Massy soit 40km, imaginez comme cité plus haut la Bretagne !

      Cordialement,

  3. Benjamin says:

    Bravo!!

    • trente-trois says:

      Merci Mr Benjamin ! (mais vraiment je ne mérite pas vos encouragements , entre vous et Emmanuel Bloch, je ne fais que du copier coller de vos propres réponses qui elles méritent vraiment des bravos !)

  4. touitou jon says:

    Hello Mick je t’ai retrouvé !!!!!!
    j’aime beaucoup ton article. Tu joues ton modeste mais comme on dit pour un « ignare » tu t’en sors très bien. Pourvu qu’il y a ait beaucoup d' »ignares » comme toi
    amicalement,

  5. clodine says:

    Bonjour

    J’ai lu votre article avec un grand intérêt et vous en remercie. Je suis moi même en train de me documenter sur un sujet similaire et j’aurais aimé solliciter vos lumières !

    Si l’on admet comme premier postulat que le lait chamour n’est pas taref (!!) et que nous nous entendions bien là dessus.

    Pourquoi m’a t on répondu (site chééla) qu’aucun fromage non surveillé ne pouvait être autorisé à la consommation car pour cela il devait être surveillé par un juif ? Faisait on ici référence au caractére « obligatoire » (sujet du présent débat) de surveillance du lait par un juif ? Ou existe t il un décret rabbinique spécifique aux fromages à pâtes dures ?

    mon interrogation se base sur le fait que la liste du consistoire autorise des « fromages » de type boursin, tartare mais pas les fromages par exemple de la fromagerie milleret (paysange) qui se revendique pourtant végétarienne.

    ils sont par ailleurs vendu en épicerie cacher avec le label cacher a priori sans modification de leur composition (présure microbienne ou végétale).

    leur prix en revanche peut être multiplié par 3 ou 4 !!! et pour la mère de famille que je suis ce n’est pas du tout anodin !

    Merci d’avance !

    Chabbath chalom

    • trente-trois says:

      Bonjour Clodine,

      Merci pour votre commentaire.
      Une précision tout d’abord qui va peut-être vous décevoir : Je n’ai aucune autorité ni compétences pour vous répondre sur les domaines halah’iques et en particulier de cashrout
      Je ne peux que vous conseiller de poser ces questions à votre rabbin, de demander des explications complémentaire à cheela, d’appeler AlloRav et le Consistoire etc.

      Ce qu’en revanche je peux vous dire, à titre totalement personnel et donc sans aucune valeur, c’est à la limite vous donner mon opinion d’incompétent sur ces sujets (c’est mon côté blata) :
      Le cas du fromage est indépendant de la question du lait chamour ou hakoum. Évidemment si le lait est taref à la base alors le fromage (comme tout autre produit dérivé) le devient de facto.
      Mais pour le cas du fromage c’est plus compliqué puisque même avec du lait casher, les procédés classiques de fabrication du fromage posent des sérieux problèmes (la présure animale provient d’animaux taref et surtout cela impliquerait de mélanger le lait et la viande). Renseignez-vous sur la fabrication du camembert ou de l’emmental et vous constaterez que les recours aux additifs d’origine animale sont indispensables. Et le staut végetarien ne garantit rien (la preuve!). Alors comment se régaler d’un bon camembert à 6.5 € les 200g dans votre supermarché casher? Tout simplement en achetant (et à quels prix 😦 ) un fromage issu d’une production spécialement faite pour être casher, c’est à dire en faisant recours à des présures ou additifs acceptables (a base d’algues par exemple). ces procédés sont plus onéreux et nécessitent de plus une surveillance rabbinique. D’où le surcoût par rapport à la même marque achetée chez Carrefour par exemple.

      Comme je le dis souvent, s’il y a bien un aliment dont on sait pertinemment qu’il est taref s’il n’a pas de Heh’cher (certificat rabbinqiue), c’est bien le fromage !

      Pour finir, les Tartares et Boursin, et tous les autres qui sont sur la liste du Consistoire, ne sont pas des fromages mais des spécialités fromagères. Dont le procédé de fabrication ne nécessite pas la présence de présure animale.
      Je n’espère pas avoir éclairé votre lanterne puisqu’encore une fois je ne suis pas compétent pour le faire. Mais je le répète, ceci est juste mon opinion sur le sujet.

      Chabbat Chalom !

  6. ancienchomer says:

    Bonjour,
    Je viens de tomber sur votre article, très documenté, après avoir effectué une recherche sur Internet, suite à la lecture de la dernière liste cachère sur Cachère Magazine. Je suis époustouflé, si je puis dire, par la qualité des informations que vous apportez.
    Si je peux me permettre d’ajouter quelques précisions, je serai ravi d’éclairer un tant soit peu le débat par quelques expériences et réflexions personnelles.
    Il se trouve que par le passé, j’ai eu l’occasion d’effectuer des surveillances de produits laitiers en tant que chomer. J’ai surveillé du lait et des fromages, et voici quelques détails sur l’une de ces opérations.
    J’ai surveillé du lait en vue de fabrication de fromage. Je devais surveiller quatre fermes, d’environs 40 à 50 vaches chacune, ce qui est à peu près la norme en France dans les exploitations laitières. Une fois que le lait de la première vache « branchée » commençait à s’écouler, je filais à la deuxième ferme où l’on m’attendait pour commencer. Après le même processus, je me rendais dans la troisième, puis idem pour la dernière. Je filais alors aussi vite pour revenir à la première et constater que la traite était terminée. Il me fallait 1h20 exactement pour effectuer de périple. Je scotchais alors la cuve et déclarait ainsi que ce lait était chamour. Je faisais de même pour les autres et j’arrivais à être présent pour la fin de la traite de la troisième et la quatrième seulement. Quand j’ai exprimé au Rav responsable de cette production, mes doutes quant à l’affirmation que ce lait était chamour, il m’a expliqué que l’on pouvait se fier au principe de Yotsé VeNichnas et que le fermier ne savait pas quand j’allais revenir. Le problème à mon sens, et je l’ai exprimé mais sans que cela semble poser de problème, est que cette opération se répétait matin et soir durant trois jours pour obtenir la quantité de lait nécessaire à cette production de fromage. Ces quatre fermes dépendait d’une coopérative laitière, et le représentant de la coopérative qui m’avait accompagné le premier jour avait informé les fermiers de mon circuit. Tous savaient parfaitement le délai avant que je repasse chez eux. Peut-on dans ce cas parler de Yotsé VeNichnas ?
    Durant ces trois jours, j’ai eu le loisir de discuter un peu avec le représentant de la coopérative (avant la première traite) et avec les fermiers ensuite (avant ou après les traites quand cela était possible).
    J’ai appris que le lait ne vient pas de l’étranger comme vous le mentionnez dans votre article, pour la bonne raison qu’il est composé de 90% d’eau et de 10% de graisse. Le coût pour transporter de l’eau devient alors prohibitif, d’où l’utilisation de lait en poudre après lyophilisation pour ne garder que le gras. J’avais posé cette question pour savoir si un producteur de produits lactés en Savoie, dont la rumeur (je n’ai pas vérifié) prétend qu’il possède 40 vaches, pouvait envoyer son lait chamour en Normandie où il fabrique ses fromages.
    J’ai aussi demandé à un fermier s’il pouvait ajouter du lait d’ânesse, bien que comme mentionné également dans votre article, le format des pis de vache soit totalement incompatible avec les équipements destinés aux vaches, c’est presque si le fermier ne m’a pas traité de fou, s’il avait eu la chance d’avoir du lait d’ânesse, il l’aurait vendu pour la cosmétique, à l’époque 200 francs le litre au lieu des 2 francs payés par la coopérative pour le lait de vache.
    J’ai également appris au moment du prélèvement de la cuve par le camion de la coopérative au bout des trois jours (la citerne est réfrigérée et conserve parfaitement le lait en attendant le ramassage), que le chauffeur qui allait mélanger dans son camion le lait des quatre fermes, prélevait un échantillon de chaque cuve et que cet échantillon serait analysé à l’usine dès que le lait arriverait avant même qu’il soit transféré pour traitement. Il était en effet interdit au fermier d’ajouter quoi que ce soit dans le lait, et que même la quantité d’un seau d’eau dans une citerne de 5000 litres serait détecté, et le fermier pénalisé d’une réduction de 10% pendant un mois sur le prix payé par la coopérative. Cette pénalité n’a pas pour objet d’empêcher un fermier d’ajouter un seau d’eau, mais d’éviter que des résidus de médicaments ne se retrouvent dans le lait. En effet, si une vache est traitée aux antibiotiques pour une quelconque infection, il faut attendre quatre traites après l’arrêt du traitement avant de pouvoir mettre son lait dans la citerne. Un fermier m’a dit avoir jeté une citerne entière de 5000 litres après s’être aperçu de son erreur, cela lui coûtait moins cher que la pénalité infligée par la coopérative.
    J’ai compris lors de cette expérience, que rien ne pouvait se retrouver dans le lait de vache, hormis du lait de vache.
    Il est vrai qu’il existe une takanat h’ah’amim sur le lait, mais il en existe aussi une autorisant le pain fabriqué par des non-juifs. Ces takanot datent d’une époque où l’on ajoutait d’autres laits au lait de vache et rien dans le pain. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, et la takana sur le pain reste ne vigueur. Est-il plus important de conserver une takana ou de manger cacher ?
    Lors de nombreuses chmirot auxquelles il m’a été donné de participer, j’ai souvent vu des chomrim acheter leur pain à la boulangerie du coin, mais ne consommer que du lait chamour.
    Après avoir fait une étude sur le pain de mon supermarché, je me suis rendu compte que de nombreux ingrédients ne figurant pas dans la composition de la farine étaient néanmoins présents. J’ai pour cela contacté les usines fabricant la farine pour me faire communiquer les fiches techniques listant tous les ingrédients. Aujourd’hui, les farines contiennent un nombre important d’adjuvants, d’améliorants,… qui n’existaient pas au temps de la takana, et qui sont loin d’être tous cachers. J’ai de plus examiné le processus complet de fabrication et de cuisson des pains avec un Rav pour savoir si nous pouvions consommer tous les pains cachers ou s’il y avait aussi des problèmes dans l’ordre de la préparation et de la cuisson des pains qui pouvaient poser problème. Nous avons conclus positivement sur certains pains et pas sur d’autres.
    Comment autoriser le pain de boulangerie sans ces vérifications élémentaires, et interdire le lait alors que l’on sait parfaitement qu’il ne peut rien y avoir dedans ?
    J’espère que ces quelques réflexions personnelles auront contribué au débat.
    Je vous souhaite une grande hatslah’a.

    • trente-trois says:

      Whoooo merci beaucoup de ce formidable témoignage !!!!
      Pourquoi ne pas l’adresser aux rabbanim de cette « table ronde » ? Je suis sûr que pour les plus jeunes d’entre eux, ils découvriront pas mal de choses…
      Mais j’imagine déjà la réponse des partisans de la ligne dure: « mon cher, vous avez eu la malchance de travailler avec des gens peu scrupuleux quant à la cashrout du lait. Cela arrive. Votre malheureuse expérience ne peut permettre de généraliser l’autorisation du lait hakoum ou d’interdire la baguette de quartier« . Vous pourrez dire ce que vous voudrez, vous justifiez, apporter d’autres témoignages, je ne pense pas que le débat se place désormais dans le domaine de la rationalité – auquel cas vous apportez suffisamment d’éléments pour vider de sens tout argument contraire. Grâce au Cachère magazine, je le crains, nous sommes entré dans une phase émotionnelle et, oserai-je le dire, de radicalisme aveugle. Motivé uniquement par la crainte irrationnelle. C’est bien dommage…
      Dernier point cependant qui ne change rien à votre témoignage mais que je me dois de signaler: j’ai reproduit in extenso des extraits que m’a fourni un représentant du premier syndicat laitier de France. Il évoque clairement qu’en effet le lait est importé. De plus le lien que j’ai fourni de la FAO (organisation mondiale apatride) le démontre clairement. Il n’y a plus de débat là dessus (hélas) et je reconnais évidemment que le Rav Shimon Charbit a raison lorsqu’il en parle. Les logiques financières peuvent être étranges et je maintiens que voila bien dans le cas des importations le seul risque que nos rabbanim devraient évoquer au lieu d’effrayer comme des épouvantails les lecteurs avec des arguments erronés, approximatifs et ridicules. En revanche il y a un monde entre cet argument du lait importé (principalement d’Allemagne et qui représente une goutte si je puis dire par rapport à la majorité du lait) et la réalité d’un mélange avec du lait de truie, de jument …ou de chameau !
      Merci encore de votre contribution !

  7. ancienchomer says:

    Bonjour,
    En relisant ce que j’ai écrit, « …le format des pis de vache soit totalement incompatible avec les équipements destinés aux vaches », je viens de constater une petite erreur qui rend la compréhension difficile. Je voulais dire : le format des pis d’ânesse (et non de vache) soit totalement incompatible… Si vous pouviez modifier, cela deviendrait plus clair.
    J’ai par ailleurs de nombreuses autres anecdotes sur les incohérences entre les déclarations des responsables de la cacherout et la réalité des faits, mais cela est un autre débat. J’en suis arrivé à la conclusion que toute cette industrie n’est motivée que par l’argent qu’elle rapporte, et plus par la volonté d’aider le public à manger cacher.
    C’est certainement dommage, mais comment susciter des vocations autrement !
    Il y a environ 20 ans, j’ai demandé à un Rav très connu et reconnu dont j’étais proche, pourquoi il ne s’impliquait pas dans la cacherout. Je pensais que sa notoriété morale et son intégrité seraient une garantie évidente. Je me souviens encore de sa réponse on ne peut plus claire : Jamais je ne toucherai à ça. Des années plus tard, quand j’ai commencé à travailler dedans, j’ai alors compris le sens de sa réflexion. Dommage qu’il n’y en ait pas comme lui dans ce domaine. Comment expliquer que des Rabanim très connus, mais aussi très âgés qui ont pris leur retraite depuis très longtemps et ne vivent même plus en France, continuent à apposer leur nom sur des productions dont ils ne contrôle absolument rien ? Les exemples et les preuves sont nombreux, mais je ne peux pas citer nommément sous peine de démenti au mieux, de poursuites au pire.
    Sommes-nous certain aujourd’hui de manger cacher en France ? Si on se fie aux koulot les plus permissives, peut-être parfois. En tout cas, il est certain que « Cacher lemehadrin min hameadrin, michaat ah’aliva ad sof aassia » comme je l’ai vu inscrit sur des fromages est un pur mensonge.
    Bonne continuation.

  8. Benji says:

    Bonjour,
    j’ai une petite question, pourquoi vous acharnez-vous sur le cachére magazine qui veut juste augmenter le niveau de cacheroute dans la communauté ! croyez-vous que tous les rav ne connaissent pas les references que vous ecrivez ? et OK, meme si certains chomrim ont des doutes, c’est pas le cas de tous et voila pourquoi il faut bien regarder le hercher avant d’acheter ! pourquoi vous opposez vous à ce journal alors que je suis sur que vous etes un ben torah avec la yirass chomoim ?

    • trente-trois says:

      Bonjour Benji, merci pour votre commentaire.

      Je ne voulais pas me focaliser sur la question de ce support publicitaire. Et j’ai volontairement refusé de commenter les numéros de ce magazine qui ont suivi cette polémique. Mais puisque vous m’invitez à vous répondre…

      J’ignore si je fais de la publicité à un magazine dont l’objectif est louable et dont les moyens le sont moins. Mais enfin j’aimerais évoquer, sans aucune polémique, le tournant qu’a pris le Cachère-Magazine depuis quelques mois comme je m’en faisais l’écho dans le présent billet .
      Deux nouveaux numéros sont intéressants à cet égard, celui de Pourim , bâclé et de piètre qualité, et celui de Pessah’ à la facture beaucoup plus honorable et avec des articles enfin relus avant impression (chéhéh’yanou ? 😉 ).

      Or donc: dans le Cachère-Magazine Spécial Pourim de Février-Mars 2011, N 83, le rav Charbit, Dayan éminent de Créteil (et sans aucune ironie, il fait partie des grands rabbanim français dont ont peut être fier de partager l’époque), Rav Charbit donc répond à un lecteur sur la fameuse décision d’interdire le lait non-chamour, tel que prôné par le magazine auparavant. Un magazine que j’avais l’habitude d’apprécier en 2007-2008 et qui depuis quelques temps est devenu, pardon, péniblement lamentable sur la qualité formelle de ses articles (aucune relecture, aucune correction orthographique ou typologique) mais aussi sur la rigueur qui doit procéder à toute information liée à la cacherout (l’article hallucinant sur l’interdiction de manger du saumon fumé ‘non surveillé’ reprenant les dires du Rav Dayan Westheim de Manchester,est suffisamment caractéristique à cet égard: le Rav Chabrit lui-même autorise le saumon des marques discount ! Alors ???).

      Enfin la ligne éditoriale (clairement orientée vers la « fausse » rigueur de ceux qui craignent pour ne pas se fatiguer à savoir et à comprendre) est contrebalancée par des publicités qui s’appuient sur des autorisations (perruques pour femmes en vrais cheveux plus belles que natures ou restaurant halavi qui n’utilisent justement pas de lait chamour) tout aussi discutables.

      Voila ce que je reproche au Casher-Magazine; aucune ligne éditoriale si ce n’est celle de la fausse rigueur érigée en évidence. Comme une sorte d’effet de mode avec le Choulh’an Haroukh , qui jouerait avec la carotte et le bâton pour convaincre.

      Mais enfin, sur le numéro de Pourim, c’était en tous cas une occasion courageuse de répondre aux questions que bons nombre de juifs français se sont posés à la suite du premier article de décembre.
      Las ! j’ai été encore une fois très déçu des réponses apportées à des questions qui valaient vraiment la peine de s’y intéresser.

      Que dit il en résumé:

      L’ancien Av Beth Din de Paris, le Rav Nissim Rebibo zatsal , n’ayant pas interdit le lait Hakoum, le Rav Charbit ne peut rien en déduire. Comme on ne peut plus lui poser la question depuis sa disparition, peut-être que lui aussi le considérait comme taref ? ou pas …
      Tout ce qu’il laisse supposer donc c’est que la liste du Beth Din de Paris ne serait pas en ligne…avec les décisions du Av Beth Din et que possiblement cette liste ne refléterait pas les décisions de celui qui en est responsable !
      Rien que ça. Alors ça ne va probablement pas vous plaire mais :
      Niveau argumentation: Zéro pointé.
      Niveau preuves apportées: Zéro pointé.
      Niveau éclaircissement: Zéro pointé.

      Il continue, 2e point, en disant que la liste du Beth Din de Paris (ou BDP) présente des produits « autorisés » et non des produits « contrôlés » ou « certifiés cashers ». Mieux, que ce contrôle en cashrout, doit être le fruit d’une autorité rabbinique reconnue.
      Il y aurait donc (au moins!) trois niveaux de cashrout officialisés par le BDP d’après l’explication du Rav Charbit:

      Niveau cave: la liste du BDP, des produits misérablement « autorisés » à la consommation (limite: sans aucune garantie)
      Niveau palier: les produits sous surveillance cacher avec un hec’her pas ou peu connu (dont certains se retrouvent dans nos magasins casher de quartiers )
      Niveau grenier: les produits sous surveillance cacher avec un hec’her reconnu (dont le Casher-Magazine publie d’ailleurs la liste)

      Amis académiciens, bonjour ! Le Nouveau Dictionnaire Encyclopédique Judéo-Français est en cours de rédaction au Cacher-Magazine, et il en est au mot ‘CASHROUT’, sachez le !

      Bien sûr il faudrait appliquer cela aux lait et aux produits laitiers.
      C’est un peu comme au bonto: parmi ces trois niveaux de cashrout , un seul est « garantie totalement » casher: attention, il est là, il est plus là, il est là de nouveau, hop, il a disparu…vous me suivez ?

      En fait là encore, il insinue que les éditeurs de la liste changent leurs fusils d’épaules – malgré les directives de leurs patrons, le Av Beth Din. C’est un peu fort de café, non ?
      3eme éléments intéressant et décevant au final: l’information comme quoi tous les laits français viennent de fermes et non de coopératives comme en Amérique.
      Puis il élude les questions sur les autorisations dans un cas particuliers du Rav Ovadia Yossef.

      Que retenir de tout cela ?

      Que c’était enfin une belle occasion pour re-préciser les éléments hilkhatiques qui ont abouti à leurs décisions. Pour rappeler aussi que certains avis de possekim, et non des moindres, y était opposés. Et de dépassionner un débat qui n’a pas d’autres recours que celui de la Halah’a. Sereinement.

      Raté. Le conflit est resté ouvert.

      Je vous passe les témoignages creux, lénifiants et anonymes des bienfaits du lait Chamour qui jouent sur la crédulité, le gain et la crainte. J’ai eu du mal à contenir mes soupirs…

      Un numéro plus tard, le spécial Pessah’, changement de ton. Enfin un magazine qui sur le fond comme sur la forme se tient. Vous voyez que je reconnais quand l’équipe éditoriale prend vraiment son rôle au sérieux !
      Attention leur position n’a pas changé.
      Mais au moins est-elle cette fois-ci bien argumentée.

      Par exemple il y a une page entière où les rabbanims (dont certains, quoique je ne doute pas de leurs valeurs, restent passablement anonymes comme le jeune Rav Drai de…Monaco) réaffirment leurs interdictions du Lait Hakoum, avec une approbation diligentée du Rav Pevzner. Bon, « rien de nouveau sous le soleil »…
      Et l’on retrouve ensuite la Rav Charbit qui cette fois -enfin !- explique les arguments qui font pencher la balance vers un interdit rabbinique du lait non-chamour.

      Que dit-il cette fois ? Le lait français n’est plus un problème. Non, tous les arguments qui ont émaillés les discussions les mois derniers sont à oublier.

      Oublié les risques improbables des mélanges dans les coopératives.
      Oublié les mesures punitives de l’organisme de contrôle français en cas de fraude.
      Oublié les soit-disant cas restrictifs du heter du Rav Moshe feinstein zal.

      Non, le vrai argument est que le lait français pour ne prendre que lui est en fait un lait qui peut provenir de pays où les contrôles ne sont pas aussi drastiques qu’en France.
      Preuves à l’appui, il y aurait des importations de lait de Pologne, d’Ukraine. Des écarts de réglementations tolérées par notre législation.

      Ce que le Rav Charbit appelle la tolérance du Rav Feinstein ne peut plus tenir.

      De par cette réalité le lait Hakoum est forcement taref. CQFD.

      Tout d’abord, je suis heureux de lire enfin quelqu’un de raisonnable qui apporte une argumentation efficace et non purement dogmatique.
      En effet dans les conditions écrites par le Rav Charbit, le lait non-chamour posséderait un risque élevé d’être douteux. Mais je vous renvoie alors à mon PPPPS (désolé) où justement après enquête très rapide, on s’aperçoit que c’est beaucoup moins tranché que le Dayan Charbit le pense.

      Attention, je ne me permettrai jamais de remettre en doute les « craintes » apportées par le Rav Charbit. Elles sont pourtant un peu moins ‘simplistes’ que ce que le Casher Magazine lui fait écrire. Et qu’en l’occurrence la règle du Sfek Sféka Patour devrait éventuellement jouer pour encore une fois permettre le lait Hakoum. Sans compter le batel béchichim.

      Bref, en résumé rassurez-vous:

      1/ je n’ai absolument rien contre le Casher-Magazine, c’est une belle initiative et je souhaite qu’elle poursuive ses éditions, mais j’ai regretté que sur le fond comme sur la forme, les motivations qui anime son équipe d’animateurs-amateurs, aient été grossières et pardon mais totalement approximatives donc périlleuse pour l’ensemble de la Communauté. Car ce sont des questions trop importantes pour les laisser entre les mains d’un journal 100% publicitaire, qui se réclame d’une « guerre sainte » comme le lait nokh’i à la faveur d’un comité restreint de Rabbanim qui ne représentent qu’eux-mêmes. Et qui au final sème la confusion dans les esprits de nos coreligionnaires et délégitime le travail du Consistoire et du Beth Din.

      2/encore une fois, je ne le répéterai jamais assez, mais c’est votre Rav et uniquement lui qui peut vous contraindre à boire du lait chamour (ou pas!). Et si vous n’en avez pas (comme 95% des juifs de France), c’est le Beth Din de France, qui lui autorise la consommation de lait Hakoum, qui fait autorité. Et personne d’autre.

      3/ comme je l’ai dis dans mon billet, qu’il est facile d’interdire et de crier au loup. « Je vous avais bien dit que ce n’était pas de l’hypocondrie ». Voilà ce qu’on pourrait lire sur la pierre tombale d’un alarmiste. Car le seul avantage de l’alarmiste, c’est qu’un jour où l’autre, hélas, il finira par avoir raison.

      Est-ce là la voie de nos Maîtres depuis Avraham Avinou ?

      Cordial Chalom !

  9. Ohev Shalom says:

    Bonjour,
    J’ai eu connaissance de votre blog par un commentaire que vous avez laissé sur le mien (gamzouletova.blogspot.com).
    Je suis ensuite tombé sur cet article.
    Il se trouve que j’ai eu la même réaction que vous à propos de cette « affaire du lait chamour », et que je comptais moi-même faire un article à ce sujet… Or il se trouve que vous avez fait précisément ce que je comptais faire (et même plus !).
    Avec votre permission, je vais donc gagner du temps et mettre sur mon blog un lien sur votre article, que je trouve excellent !
    Toutes mes félicitations.
    Cordialement,
    Ohev Shalom

  10. KASHER says:

    bravo pour votre argumentaire detaillée.

    Je suis moi aussi perdu dans les méandres de la cacheroute ou désolé de le dire mais l’obscurantisme indigne des juifs que nous sommes frise la médiocrité.

    Si des règles tels sfek sfeka et batele bechichime autorisent le lait pourquoi les laisser sous le tapis (si ce n’est pour les raisons citées plus haut).

  11. Rony says:

    Je n’ai pas les nerfs décrire aussi bien et aussi long que vous mais j’espère pouvoir répondre succinctemment a vos questions:
    1-La gmara interdit le lait du norhi et pas son beurre (pour une raison simple mais pas nécessaire a la réponse: le beurre ne peut être fait qu’avec du lait cachere) donc meme si je trouve un lait duquel un beurre serait issu le lait reste interdit (d’après les décisionnaires qui suivent la ligne de pensée de gzera) et le beurre permis. Car un beurre sous forme de beurre ne peut être interdit alors qu’un lait du norhi connait son semblable taref! Et une gazera c’est justement interdire grossièrement pour simplifier, pour éviter une erreur.

    2-Pour le sang ds les œufs aucune gazera n’est a déclarer, on utilisera donc une règle valable pour tout le Talmud: considérait le Rov pour annuler le miout
    Mais une gzera peut interdire de considérer le Rov au détriment du miout a l’instar de linterdit des rabanane d’annuler un issour a priori.

    3-Un lait sous forme de lait ne pourra jamais être permis car c’est ds cette forme précise qu’il a été interdit dans la gzera!!! Or en poudre on peut déjà (selon certains) lassimilé au beurre.

    4-La gmara elle meme qui est reprise par le choulhan arouh que vous publié, cite le cas du Israel qui ne voit pas directement mais a la possibilité de voir. Le norhi craindrait alors de faire quelque melange qui soit. Or dire que le chômer peut être non juif c’est déjà un hidouch (certes respectable) de Rav M. Feinstein. Pourrions nous penser qu’au meme titre qu’un juif qui allume le feu alors que le norhi cuisine, donne au plat cuisiner une appellation de cuisiné par un juif: un juif qui participe a la surveillance donne une appellation de Israel roéou. Chose que la loi ne peut remplacer.

    Bonus-On peut comprendre un Rav sur une de ses réponses sans pour autant le comprendre dans tout. Si une svara logique a été donnée par un Rav elle peu être reprise sans pour autant être forcée de toujours être d’accord avec ce meme Rav!
    Je ne fume pas et je pense que c’est dangereux, ceci dit venir interdire une habitude pratiquée par les plus grands de l’époque du staïpeller est plus difficile qu’autauriser une habitude encore jamais pratiquée par les grands soit: consommer du lait non surveillé par un juif!

    • trente-trois says:

      Merci Rony tout d’abord pour vos réponses qui enrichissent grandement ce débat. Je comprends bien que le pivot central demeure la force de la guezera derabanan. Sur ce point comme je l’explique dans le billet au tout début, pour ceux qui suivent cette ligne de pensée, clairement le lait chamour est le seul lait autorisé. Le suite de mon article s’adressait plus à ceux qui n’appartiennent pas à cette grille de lecture (c-a-d ceux qui considèrent que tout cela ne procède que d’une h’achach, voire ceux qui suivent le Rav Moshé). Lorsque je dis « ceux » je parle évidemment des rishonims et d’autres « grands » [même si cette dénomination inflationniste mériterait une discussion à part entière]. Ceux-là même qui consommaient du lait non surveillé par un juif (Cf. la responsa du Rav Zecharia Zermati). Je ne prends évidemment pas partie, seules nos autorités halah’iques peuvent le faire. Je note seulement que la guezera derabanan ne souffre plus aujourd’hui d’une quelconque justification logique ou rationnelle (les questions posées et les pistes de réponses que vous évoquez le démontrent clairement) , qu’il s’agisse de l’appliquer, nul doute là-dessus. Qu’il s’agisse de la comprendre objectivement, et c’est déjà une autre paire de manche…
      Concernant la cigarette [qui est aussi un sujet à part entière ;-)], je ne vous suis pas vraiment : La Emounat H’ahamim s’arrête là où l’évidence et la connaissance s’imposent. Que le Steïpeler, le beau-père du ROY, ou encore d’autres éminences aient fumé ne justifie plus qu’on les imitent « bêtement » : à leur époque la nocivité de la cigarette n’était pas connue ou prouvée indubitablement. Avec notre bagage de connaissance actuelle, évidemment qu’aucun d’eux n’auraient allumé une cigarette ! Et je suis même prêt à parier que d’autres scandales sanitaires nous attendent, inconnus aujourd’hui, et pratiqué par nous tous, y compris les rabbanim. Mais une fois détecté, serait-ce une raison de persévérer dans l’erreur ?
      Enfin, pourriez-vous m’éclairer sur la question que je me pose sur le Sfek sfeka à la toute fin de mon billet ?

      Merci encore de votre contribution et Kol Touv !

      • Rony says:

        Je n’ai pas essayé de permettre la cigarette, j’ai essayé de répondre a votre étonnement quant au comportement paradoxale des gens qui ne mangent que du lait chamour (qui semble être un comportement digne de gens pieuses) et qui d’autre part se permettent de fumer.
        Alors je répond que se paradoxe n’est pas si difficile a comprendre en tant quhumain honnête. Nous vivons tous avec des paradoxes que nous essayons de rétablir et celui ci est explicable meme sil n’est pas légale.
        Quelqu’un qui a vécu près de grands qui fumaient sans arrêt et qu’il n’est pas reconnu a ce jour qu’ils se soient trompés (car a lepoque c’était permis et PAS dangereux car « chômer petayim achem ») a du mal a vivre avec ce paradoxe qu’ils avaient droit de fumer mais pour moi cest assour de fumer. Ils continuent machinalement ce qu’ils ont vécu. Or sinterdir un lait non surveillé (pratique déjà mise en place) ne les dérange pas, meme si un pieux de ce rang devrait au moins pratiqué une halaha sur laquelle personne ne transige. Il ne vit pas le paradoxe aussi férocement que vous le présentez.

        Pour le sfeq sfeka je ne suis pas sur d’avoir saisit votre difficulté cependant je vous donne un élément qui vous sera sans doute utile:
        Les règles de sfeq sfeka ou bitoul existe dans toute la Torah pour permettre dans tout les genres de halahot possible. Cependant il arrive que hahamine nous interdisent d’utiliser cette notion de bitoul pour autoriser un issour. Exemple: d’après la loi de bitoul de la torah je pourrai prendre un morceau de porc et le mettre intentionnellement dans une casserole de viande cachere et le manger. Or nos sage trouve judicieu dinterdir l’utilisation de la loi du bitoul pour un tel cas. De ce fait on ne pourra consommer un tel plat alors qu’un plat de nature identique sera autorisé dans le cas ou le morceau de porc serait présent par inadvertance.

        Je comprend donc, que pour ceux qui suivent la ligne de pensée gzera, se verront interdir un lait bien qu’il y ait potentiellement un bitoul qui l’autorise. Et ce par ce que hahamim sont venu par leur gzera interdir tout lait ou un melange est possible (quelque soit les proportions et le risque du dit melange)

        Pour finir je preciserai qui’Il est pas exclu que, meme selon la ligne de pensée ‘hachache, l’autorisation de consommer un lait non surveillé existe que si l’ont a la certitude que le lait ne contienne aucun autre lait taref. Du fait qu’un melange potentiel ait fait une institution spécifique de nos sage pour nous mettre en garde, et nous interdire. On comprendra alors que meme d’après ‘hachach c’est une gzera qui aura un champs d’application determiné par la presence du ‘hachach.
        Si ce n’est cette proposition sus mentionnée, effectivement je comprend comme vous que sil existe une ligne de pensée ‘hachach issour, alors un issour batel ne sapel pas un issour est équivaut a un eter. Soit: un lait oú l’on craint un rien de lait tref = un lait ou il n’y a pas de hachah= cachere

  12. thierry says:

    bonsoir,

    bravo pour cette etude synthetique et pleine d’humour

    pour repondre a votre question de safek sfeka je ne saurais vous recomander l’etude des commentaires de nos sages du moyen age comme le ramban ou encore le rachba qui soulevent cette problematique dans la comprehension de ce que nos sages ont voulu nous interdire
    (traite avoda zara 35a)
    je vous renvois aussi a une responsa du rav tsvi pessah franck qui pose la question dans vos propres termes

    http://www.hebrewbooks.org/pdfpager.aspx?req=22460&st=&pgnum=112&hilite=

    amicalement votre

    • Rony says:

      mais dans ce texte mon cher thierry la ligne de pensée de l’auteur est ‘hachach, or il peut y avoir encore deux ligne de pensee possible: une sus mentionné par notre blogueur/blagueur (gzera) et celle que j’ai proposé (gzera lorsque un ‘hachach meme d’un miout est present).

      ceci dit si l’on comprend que: sfeq sfeqa = considérer comme aucun hachach car trop peu probable.
      alors l’interdit ne restera que pour la ligne de pensée gzera et donc on permettra le lait americain, la poudre de lait etc…

      j’attire cependant votre attention, l’interdit des fromages akoum n’a rien avoir avec le lait akoum. on peut comprendre gzera dans fromage (donc interdit meme qd hachahe=0) et hachache ds le lait (donc permis qd hachahe=0)!!!

  13. Lionel Bensoussan says:

    Cher trentenaire,

    J’ai comme vous été choqué par la prise de position du magazine en question. Mais pas forcément pour les mêmes raisons.
    En bref il me semble qu’aujourd’hui le sujet du lait surveillé ou pas, comme celui du sérieux de tel ou tel cacherout d’ailleurs, n’est un secret pour personne dans le cadre des juifs qui s’efforcent de pratiquer les mitzvots, et cela quel que soit la chita de l’intéressé.
    Ce faisant, les gens qui ont décidé de prendre du stamm Halav, que ce soit d’ailleurs pour de bonnes ou de mauvaises raisons, n’ont que peu de chance de changer d’avis à cause d’un article de journal, sachant qu’il s’agit d’un « serpent de mer » qui reparait régulièrement dans les discutions synagogales, pendant au choix – rayez la mention inutile ( plusieurs choix sont possibles) -, les mossifims, le discours du rabbin, le chemin du retour après la prière du shabbat, ou le kiddush pour les plus pieux ou les moins goinfres a tout le moins.
    Là où en revanche la modification de la liste peut avoir des conséquences fort malheureuses, c’est pour des gens moins affirmés dans leur pratique religieuse. Ici la conséquence pourrait être terrible, car en l’absence des produits qu’ils consommaient jusqu’à présent, et de tout produit lacté dans la liste se mettraient dès lors à consommer des articles sans la moindre surveillance car n’étant pas forcement au fait de la présente polémique, et encore moins de ses tenants et aboutissant halachiques, il jetteraient joyeusement le bébé avec l’eau (ou le lait d’ânesse) du bain.
    L’on peut discuter votre position sur l’infaillibilité de la cacherout consistoriale, mais en tout état de cause ce n’est pas en ôtant tout choix à celui qui jusqu’à présent se basait sur sa liste que l’on va améliorer la situation.
    Il demeure que vous négligez malgré tout un point très épineux dans le dossier en question, qui est la position de l’Av Beth Din, Rav Yrmiaou Kohen . En effet dans la table ronde évoquée dans l’article, celui-ci, qui est a priori le responsable de la « Liste » du consistoire, se déclare ouvertement opposé à la consommation du stamm Halav. Si vous dites ne pas connaitre la position l’ancien Av beth Din, rav Niisim Rebibo, vous disposez en revanche noir sur blanc, de celle de l’actuel titulaire du poste.
    Sans rentrer dans la polémique elle-même, et encore moins dans le coté halachique de la discussion , il convient tout de meme de savoir qui nous autorise (ou pas d’ailleurs) ce que l’autorité halachique suprême du Beth Din de Paris semble interdire. Se faisant l’on est en droit de se demander qui au sein du beth Din autorise ce que son chef refuse. Et parallèlement a quoi sert d’avoir un talmid Haham a la tête d’une institution dont il ne partage visiblement pas les vues.
    Ce n’est pas la première fois que le rabbinat n’est pas en adéquation avec ses « psakims », si tant est qu’il s’agisse d’un réel Psak, en l’absence d’un signataire sur cette décision. Je veux bien accepter un Psak de n’importe qui de compétant en la matiere mais ou est donc le psak evoqué.
    C’est d’ailleurs je pense le nœud du problème ici en France, car si l’on sait qu’aux USA le Psak est celui de Rav Moshe Feinstein, ici nous sommes face à une nébuleuse appelé le Beth Din de Paris, qui ne s’est jamais exprimé par un Psak de quiconque sur la question, mais seulement par la publication de sa liste qui autorise le halav Nohri sans pour autant s’expliquer, comme vous l’avez au demeurant très bien fait, sur le pourquoi et le comment de cette autorisation.
    Je pense donc que « l’affaire du Cacher Magazine » n’est pas sans conséquences, car elle soulève à tout le moins, l’inconséquence du Rabbinat français en la matière. Sachant qu’il ne s’agit que de l’un des exemples nombreux ou une position « publique » du rabbinat ne concorde pas avec les positions personnelles de ses membres.
    Il demeure qui si je ne consomme personnellement que des produits halav Israel, je regrette cette prise de position d’un organe non habilité à le faire, qui se faisant, met en péril la pratique religieuse de personnes qui ont décidé de se fier à une autorité rabbinique, qu’en tant qu’éditeur il n’a pas a juger. D’autant que le journal en question n’est lu par la plupart de ses lecteurs QUE pour avoir la liste du consistoire. De la même façon que je pense que certains salariés du Beth Din ferait mieux de se demander ce qu’ils font là-bas, si la cacherout qu’ils cautionnent de fait ne leur convient pas. De même il est hallucinant de voir un magazine qui ne vit que par sa distribution de la liste du Beth Din, la retoucher a sa guise alors qu’il n’en est pas le dépositaire. Il y a une réelle indécence a cracher dans la soupe ( parve soit) mais qui vous nourrit malgré tout.
    Je reste donc septique, non pas sur le bien-fondé des arguments halachiques que vous apportez, fort bien au demeurant, et qui ont leur place dans un beth ha midrach ou je serais ravi d’étudier avec vous, mais sur ce que vous appelez « le troisième point qui vous insupporte le plus ». Je ne tiens pas ici à invalider qui que ce soit mais j’apprécierais grandement d’avoir un interlocuteur face à moi pour m’expliquer QUI m’autorise ou m’interdit quoi et à quel titre. Je n’ai pour l’instant jamais vu une prise de position claire en la matière et cela me gêne de voir de façon systématique, les rabbins du consistoire faire le grand écart afin de justifier des positions qu’ils n’assument vraisemblablement pas pour un nombre important d’entre eux.

    Lionel B Paris

  14. trente-trois says:

    Merci Lionel pour votre contribution.
    Plus généralement j’en profite pour saluer tous les commentateurs de ce billet écrit un peu à la va-vite, il y a plusieurs mois : je suis le premier étonné de voir la qualité des intervenants et la pertinence des éléments rapportés; qu’il me soit donc permis ici de vous saluer toutes et tous.

    Sur le fond cher Lionel, j’entends absolument vos arguments que je partage bien entendu pour la plupart. Notamment sur la méthode scandaleuse de ce magazine publicitaire, de vouloir imposer, sous le sceau de l’évidence, une tendance qui n’est qu’une parmi les autres – asséchant du même coup et de manière impardonnable toute la richesse du débat talmudique. Il y a cependant lieu ici de confesser mon ignorance dans la chose consistoriale :en l’occurrence, et peut-être à vous lire, bien naïvement, je ne vois pas de grand écart entre la position officielle du Beth Din et celles de ses membres religieux – tout du moins en regard de cette polémique laitière, et perçu en tant que simple fidèle. Le message que cette institution a diffusé indique que le Rav Kohen n’aurait pas tenu ses propos – ce qui justifie une action en justice à l’encontre du magazine en question – dont l’ingratitude que vous pointez à propos, ne fait qu’ajouter à l’inconscience qui a présidé lors de cette Table Ronde en comité restreint. Il n’y a donc pas aujourd’hui (toujours pas, pourrait-on regretter) de psak clair et net, écrit noir sur blanc, du Rav Kohen sur la question.
    Sur d’autres domaines que j’ignore (ou que je feins d’ignorer, Cf. les précédents scandales de certains bouchers « perseverae diabolicum »), je n’ai pas le sentiment que la contradiction soit aussi exacerbée que vous le laissez croire. Cette tension entre Rabbanim et Institution, quoiqu’inévitable comme dans tout effet de meute, reste à ma mesure parfaitement sans conséquence sur la ligne halah’ique qui est et demeure la prérogative unique du Beth Din. Quant à l’indigence de ses psakim, je ne suis pas expert pour en avérer la faiblesse – mais me semble-t-il en tous cas sur le lait norh’i, il est notoire que l’opinion du Rav Moshe Feinstein fait loi. Et qu’il est à la portée de chacun de consulter le Beth Din pour plus de détails. Même si comme je l’indique dans mon billet, le temps me donnant hélas raison, je prévoyais déjà que cette affaire soit vite étouffée et que nous autres, pauvres consommateurs, soyons laissé dans un silence plus inquiétant qu’apaisant..

    Je vous rejoins en revanche sur l’éventualité que cette institution enfermerait en ses murs des contradicteurs qui s’opposeraient à cette direction halah’ique: en effet, leur place serait alors ailleurs. Comme je suis d’accord , sur l’aspect « d’appareil soviétique » du Beth Din vu de l’extérieur: un grand machin où hormis le Av Beth Din ou le Roch Hachoh’atim (tous deux d’éminents Talmidei Hah’amim), eh bien ma foi, on ne connaît pas beaucoup de visages et pire que tout, on n’y contemple pas beaucoup de signatures…

    Je vous remercie encore une fois, vous comme les autres, de faire vivre par vos échanges, ce billet qui à la base voulait juste rappeler qu’il y a 70 facettes à la Torah et que présenter une chita comme étant la seule qui vaille, relève de l’inconséquence pour le pas dire de l’escroquerie intellectuelle – quelque soit d’ailleurs la pertinence de cette opinion.

    • Lionel Bensoussan says:

      Cher trentenaire,

      Tout d’abord merci d’avoir pris le temps de me répondre et aussi vite qui plus est. J’aimerai cependant réagir sur trois points concernant votre réponse.
      Premièrement, dieu me préserve de remettre en quelque manière que ce soit le psak de Rav Moshe Feinstein Zatzal. Tout d’abord, s’agissant d’un des plus grand posskim de la génération précédente ce serait une totale aberration et ne manifesterai qu’une stupidité abyssale de la part d’un pauvre Baal ha bait. Cependant si c’est bien sur le psak de Rav Moshe que le heter a été prononcé, j’aimerais qu’une autorité française s’exprime sur la question.
      En effet si l’interrogation d’un rav se limite à une « récitation » d’autre décisionnaires, je m’interroge sur l’intérêt de consulter le rav en question. Je pourrai tout aussi bien prendre un recueil de décisions moi-même et lire la réponse. Cela est a la portée de quiconque sait lire, mais ce n’est absolument pas ce que j’attends d’un rav, et qui plus est d’un Dayan. Lorsque je pose une Cheela, j’attends de mon interlocuteur de connaitre la sougia en profondeur, de connaitre les différents richonims et éventuellement les aharonims et les poskims actuels. Malheureusement aujourd’hui c’est la tendance inverse qui s’impose, on se contente de faire du « name dropping » avec quelques références modernes incontournables ( que je respecte bien évidemment, cela va sans dire.), mais il est beaucoup plus rare que l’on me donne un Psak personnel. Le boulot d’un Dayan et de trancher et ce n’est ici pas à ma connaissance le cas.
      Deuxiemement, vous me prêtez des intentions qui ne sont pas miennes en parlant de « l’indigence de ses psakim » dont vous ne « voulez être juge ». En l’espèce je n’ai nullement jugé le psak en question, mais au contraire soulevé, non sa piètre qualité, mais inexistence. Ce n’est pas du tout la même chose. Lorsque il y a un psak d’un rav on est en mesure de le suivre ou non, selon le sérieux que l’on accorde au rav en question. Ce que je disais concernant la liste du consistoire, était que l’acceptation par le beth Din du Halav Norhi repose sur une sorte de statu quo ante que je n’ai jamais vu être exprimé clairement sous forme de décision halachique ou de responsa. C’est bien sur ce flou que j’exprime un doute et non sur la valeur de l’auteur ( ???) du psak en question.
      Dernier point, et non le moindre dans le débat, le hiatus entre « la position officielle du Beth Din et celles de ses membres religieux ». Mon problème n’est pas que qu’un individu lambda dans une instituions ne soit pas en adéquation avec son employeur. On pourrait rêver que le fait de consacrer sa vie professionnel a notre créateur protègerai du genre de compromission que nous autre qui travaillons dans le monde séculier avons à faire, mais bon retombons sur terre. Pourtant lorsque la contradiction provient des dirigeants spirituels de la dite institution, et qu’en résumé les gens sur le nom desquels une décision est proclamée ne s’y conforme pas eux même, je suis en mesure de m’interroger sur la valeur de la décisions elle-même. La plupart des gens avec qui j’ai abordé ce genre de sujet au long de ces dernières années m’ont tenu a peu près ce langage : si les rabbins le font pourquoi pas eux. Oui mais qu’en est-il si les rabbins auxquels ils se fient ne le font pas ! Je pense fondamentalement que la majorité des juifs qui s’efforcent de pratiquer la Torah le font avec une tmimout qui force le respect. Cependant peut être manquent ils parfois de la méfiance légitime qu’ils manifesteraient face a un garagiste ou un plombier.
      Lorsque rav Moshe Feinstein a édicté son Heter du Stamm Halav il n’a pas manqué de soulever l’importance de s’efforcer de consommer du Halav Israel, ce qui ne l’a pas empêché d’autoriser tout en s’en abstenant lui-même, me direz-vous. Et pourtant cela n’a rien à voir, car il a pris la responsabilité de « son » psak en laissant chacun libre de prendre sur lui de le suivre sur l’une ou l’autre de ses options.
      Dernière chose d’un point de vue méthodologique. Vous soulevez très justement dans votre article que l’interdiction du lait Akoum provient soit d’une Guezera, soit d’un h’ashash limité dans le temps limité à un certain contexte (pri Hadash). Vous vous basez sur cette dernière option, ce qui ne me gène nullement en soi, mais dans ce cas, vous ne pouvez pas non plus faire l’économie de l’analyse contextuelle du Psak du Igrot Moshé, alors que vous balayez cet argument en disant que cette restriction n’est écrite nulle part. Pour connaitre le judaïsme du Midwest Américain, mes parent habitant le Missouri, qui est, je vous l’accorde, bien loin de celui du Morbihan, je peux vous assurer qu’il existe encore aujourd’hui une différence de taille entre les quelques grandes villes juive des USA et la province américaine. Je vois, chaque fois que je me rends chez eux, un judaïsme orthodoxe ET provincial sans équivalent en France. Pourtant, force est de constater que dans le pays de la consommation hystérique, se fournir en Halav Israel hors de New York, Chicago Miami et Los Angeles, tient du tour de force. La différence de prix au litre, est du simple au triple, et le tout dans une pénurie qui n’est pas sans rappeler la Pologne du regretté General Jaruzelski. Je pense que cet état de fait, ainsi que l’insistance du rav sur l’importance de s’efforcer de prendre un Halav Israel doit tout au moins soulever la question du contexte dans lequel celui-ci s’est exprimé.
      Tout cela ne remet en aucune manière la qualité du travail que vous avez effectué en la matière, ni la validité des arguments en faveur de la consommation du Stamm Halav, mais nécessite juste un éclaircissement réel de la part de Rabbanim, qui si ils veulent mériter leur statut de responsables communautaires, se doivent de prendre leurs responsabilités et d’édicter en la matière comme en tant d’autres d’ailleurs des Psakim clairs.
      Shabbat Shalom
      Lionel Bensoussan

      • tsip says:

        J’aimerais apporter une précision je pense très importante pour comprendre la manière dont se forme la liste de Paris et la pratique des rabbins « on top » . Comme un shomer de la viande beth din m’avait dit il ya quelques années : « Nous supervisons la viande en ayant dans l’esprit le public auquel elle s’adresse » . Cette phrase m’a tout dit. Les surveillants de la liste et les gens qui la publient pensent qu’elle ne s’adresse pas à un public très rigoureux qui eux mangeront d’autres cacherout et donc elle n’a pas besoin de toutes les houmrot et ce qui s’ensuit. Inutile de préciser que cette remarque est très dangereuse et ses conséquences encore plus. Cela me fait penser un peu à la liste des Eeif que le rav Wolff a publié : « Uniquement pour les besoins de ce mouvement » et que pleins de juifs ont décidé de suivre malheureusement . Là pour ce coup , avec tout le respect que je dois au Rav; C’est une grosse erreur. Ou vous joignez le consistoire et autorisez les produits tous ensemble ou vous publiez une liste indépendante mais pour tous mais de grâce ne faites pas ce genre de listes « à moitié cachère pour eux et pas pour nous ….  » etc … !
        Je rajoute un point; Il est courant pour les Rabbanim du Beth Din d’être plus rigoureux pour leurs besoins familiaux et personnels. On sait bien que le Rav Yirmiaou Cohen à tendance hassidique ne boit surement pas du lait non chamour à sa table comme il n’envoie pas ses enfants dans des écoles mixtes. Ceci dit il peut autoriser le lait non chamour pour les gens qui suivent la liste. Cela ne va pas complêtement à l’encontre de la validité de cette liste mais cela nous montre qu’elle ne s’adresse tristement pas à des gens soucieux de rigueur. (Perso dans le passé j’ai rencontré l’équipe de cachrout du Beth din, Je pense qu’elle a probablement changé mais ça faisait peur .. )

        • trente-trois says:

          Merci pour ce commentaire. Je ne suis pas habilité à répondre sur la rigueur des chomers de la viande « beth din » d’il y a quelques années et je vous rejoins sur ce fiasco des différentes listes qui embrouillent plus qu’elles ne facilitent.
          d’ailleurs, puisqu’apparemment vous connaissez bien l’Angleterre, vous devez savoir que votre liste repose davantage sur les orientations prises par le Rav Wolff( notamment sur la lactoserum) que sur celle, du coup beaucoup plus mah’mir, du Consistoire.
          Vous voyez, rien n’est si simple, ni tranché.

          Mais 2 points: Les « on-dits » relève d’une véritable maladie chez nous. J’ai fréquenté de nombreuses années la synagogue du roch hachoh’atim de France, je peux vous dire, que des brebis galeuses dans la viande, il y en a partout et même chez les plus orthodoxes. Alors évidemment, selon que l’on rencontre telle ou telle personne on va être plus enclins a croire telle ou telle surveillance.
          Mais tout cela reste rigoureusement inexploitable: toutes les surveillances sont censées êtres sérieuses. Point. La seule différence est la qualité des contrôles, et pas des pratiques qui elles suivent telles ou telles chitot.
          Mais c’est un énorme sujet. Même chez les gens avec une excellente réputation tu trouve dun chomer en train d’écouter son iPhone, où en retard à l’abbatoir, ou grippé, mal réveillé etc.

          Second point: Aujourd’hui je mange indifféremment glatt, h’alak ou beth din sur le viande pour une raison simple: ce sont principalement les mêmes abbatoires, les mêmes bêtes, les mêmes choh’atim.
          Le scandale entre Rav Katz et le BDP le prouve une nouvelle fois.

          Après ce que l’on en dit et fait, ça reste pour moi de la manipulation marketingo-financiéro-halahique.
          Bref, ça m’est désormais complètement étranger.
          La casherout est Une chez les gens honnêtes et respectueux des lois 😉

  15. piroulie says:

    Excellent cet article, bien écrit avec juste ce qu’il faut d’humour et très pertinent
    Je suis épatée par la qualité des commentaires et celle de tes réponses.

  16. Esther says:

    Bravo
    Article ultra complet parfaitement documenté magnifiquement rédigé, d’une intelligence rare avec beaucoup de style et d’humour l’auteur maîtrise parfaitement son sujet. Je l’ai d’abord imaginé en ménagère puis en talmudiste…
    Rappelle le style du livre c’était les tribus françaises d’Israel de Joseph Flav

  17. 175 e2 says:

    Bonjour et bravo pour ce travail !!!
    Cependant une question que vous avez à peine abordée :
    Rav Ron Chaya vient de dire que suite aux micro chirurgies que subissent les vaches pour leur enlever l’air de l’est, elles deviennent taref donc leur lait aussi et cela dans des proportions très fortes donc non négligeables en France. Cela est-il donc un argument pour totalement rendre définitivement taref le lait non chamour ?
    Merci par avance

    • trente-trois says:

      Bonjour,
      Le billet est absolument mal construit j’en conviens 😉
      Ce qui fait que les informations sont plus diluées et moins pertinentes.
      Par exemple concernant votre question j’en parle dans mon « PPPS » et je me cite (privilège in-cr-oy-able ;)) :
      « Ah mais maintenant, me dit-on, les vaches non-surveillées par un chomer peuvent rendre leur lait taref sachant , et c’est vrai, qu’elles subissent parfois des interventions chirugicals qui les rendent taref. Certes, mais là encore la loi de la majorité, le rov, doit intervenir. N’est ce pas ? De plus qui certifie que le lait chamour ne provient pas de ce type de vaches: la surveillance ne vaut que pour la traite. Alors ? »

      Donc de deux choses l’une: soit l’argument avancé des vaches taref est recevables et alors là même le lait shamour est taref puisque ce sont les mêmes vaches qui sont concernées. Soit c’est une énième entourl… pardon, soit c’est un argument qui ne tient pas compte des réalités des exploitations laitières et mériterait donc d’être revu avec des professionnels.

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