Mariage Mixte: l’illusion des happy ends au cinéma

Je viens de visionner « Petites Confidences (à  ma Psy) » avec Uma Thurman et Merryl Streep.
En fait j’ai été gentiment forcé par ma femme 😉

C’est un film qui pendant 1h30 (soit 98% du film) vous fait regretter votre galanterie. Vraiment.

L’histoire? D’un banal affligeant. D’ailleurs c’est complètement prévisible. Vous allez voir (c’est le cas de le dire).

Uma Thurman joue la jeune femme urbaine, New-Yorkaise flippant d’aborder la quarantaine, qui comme toute bonne américaine raconte sa vie à sa Psy, jouée par Merryl Streep. On est à fond dans les clichés. La psy est juive, son mari et elle s’inquiètent que leur jeune fils de 23 ans, joué par Bryan Greenberg, veuille devenir peintre (pouah!) au lieu d’épouser une brillante et lucrative carrière et accessoirement une belle Jewish Princess. Histoire annexe? plus vraiment quand au fil des séances avec sa patiente, cette psy s’aperçoit que son fils est devenu l’amant de cette jolie cliente qui , elle, ne se doutant de rien, lui raconte à loisir son épanouissement, notamment sexuel,  grâce à cette relation.

La suite, évidemment, Patatras ! Uma Thurman découvre le pot aux roses, est confuse, la psy se fâche avec son fils,  qui lui est partagé entre sa famille et son amour,  s’oppose finalement à sa famille qui lui rappelle qu’il se devrait d’épouser une bonne juive.  Séquence classique du repas du Chabbat où la demoiselle est invitée et trouve tout cela si « charmant et touchant ». Passage avec la grand-mère qui en bonne Yiddish mamé, reste piquante et lucide. On continue ? Alors sans surprises:

Clash du fils avec sa mère.
Clash de la fiancée avec son amoureux.
Réconciliation autour d’un bon repas (avec la mère) et sur l’oreiller (avec la fiancée).
Bref, du très grand classique avec , précisément à 98% du film, une jolie déclaration mutuelle d’amour éternel et flamboyant, projet de bébé et peu importe les différences de religion, puisqu’on s’aime…

Pffff…

Et puis, là , dans les 5 dernières minutes, petit message sur fond noir: « un an après ». On s’attend à les voir pouponner un nourrisson, qui décidera de sa religion « quand il sera grand »….Sauf que là, non, pas du tout.

Attention SPOILER 😉

Uma Thurman croise Bryan Greenberg dans la rue, croisent aussi leurs regards et là on est bluffé.

Oui, au final, leurs différences de religion, bien que leur sentiments soient puissants et authentiques, a été suffisant pour qu’ils ne continuent pas ensemble.

Uma Thurman réalise qu’en n’étant pas juive, leurs enfants casseront la lignée hébraïque de son amoureux. Et ça, c’est un sacrifice qu’elle ne peut pas honnêtement lui demander…

C’est la première fois que je vois ça dans un film.

Que voyons-nous dans les autres films ?

L’apologie du mariage juif/non-juif grâce au pouvoir- digne d’un feu nucléaire- de l’A.M.O.U.R  qui aplanit toutes les différences, toutes les contraintes, qui règle subitement les conflits familiaux, qui soulage les consciences, qui absout les fuites de responsabilités et les trahisons.
En un mot, D-ieu n’est plus absolu.
L’A.M.O.U.R vient de lui piquer Sa place (si l’expression m’est permise)!

Tout est faisable, pardonnable, compréhensible à condition de dire la formule magique  » je t’aime ».
N’est ce pas là l’essentiel d’une vie, même d’une vie juive ?

D’ailleurs l’Amour est tellement fort que Bruce-Tout-Puissant abandonne son Omnipotence et rend au Ciel sa « divintude » (du Dictionnaire La Ségolène, 2007) afin de reconquérir sa belle. Vous imaginez la portée de ce choix au-delà de la simple love story comique de Jim Carrey ? L’Amour vaut plus que le divin.

D’où cela peut-il provenir? Comment cette attitude a-t-elle à ce point centraliser et cristalliser tous les efforts de scenarii contemporains ?

J’ai une petite idée.
Lorsque le Christianisme dogmatise que D-ieu est Amour, lorsque Jésus se meurt sur la croix pour expier les péchés de l’humanité et souffre le martyr au nom de l’Amour, on ne peut que comprendre une des critiques que les Sages du Talmud ont dénoncé à l’encontre de cette conception: définir le Divin par son attribut de Bonté et uniquement par celui-là c’est à la fois nier son Omnipotence, diminuer sa Transcendance, abaisser à l’échelle humaine sa Dimension, et encore, l’enfermer dans une seule composante.
Définir c’est renoncer, délimiter donc limiter, restreindre, cerner, empêcher, interdire…D-ieu est Amour, D-ieu n’est qu’Amour (et pas autre chose),  signifie surtout que D-ieu n’est plus D-ieu parce qu’il se confond avec l’Amour. Et partant, lorsqu’il y a conflit entre obligations religieuses et choix sentimentaux, le dilemme est vite réglé: l’équivalence supposée puis rapidement admise prend à présent valeur de prédominance sans équivoques. Puisque D-ieu n’est plus D-ieu, il ne reste que l’Amour qui demeure authentique.
Je vous renvoie au deuxième chapitre de l’offensive idéologique d’Éric Zemmour, « Le Premier Sexe », où la notion d’Amour et du couple serait devenu l’objet ultime universellement (mais exclusivement) admis. A ce sujet, petite aparté sur ce bouquin que l’on a grand tort de renvoyer d’un revers de la main en oubliant la portée sociologique de cet essai. Et je me sens d’autant plus concerné que pratiquement à chaque page, Éric Zemmour me gifle parce qu’il décrit en effet ma génération et plus douloureux encore, je me reconnais dans ses critiques. Mais dans ce qui nous occupe, je dois lui reconnaitre une pertinence qui laisse à réfléchir lorsqu’il invoque les publicitaires, journalistes people ou de magazines féminins, grands couturiers, « leaders d’opinions », bref, tout ce qui aboutit aux hérésies que l’on voit pour rester dans notre sujet, sur les écrans. Sur le couple et l’amour en général. Sur les mariages mixtes, l’éducation des enfants ‘paumés’ et le judaïsme en particulier…(re)lisez-le à l’occasion, une fois que la tempête médiatique est passé. Ça vaut le coup (même si ça fait mal)…

Les films, romans, articles qui traitent des mariages mixtes ne font qu’illustrer ce phénomène. Leur morale est généralement guidée parce ce qu’il apparaît comme évident: seuls les sentiments comptent.

Alors certes, il y  a mariage mixte et mariage mixte.
Dans la mesure où le Judaïsme se transmet par la mère, il est jugé « moins pire » qu’un homme goy épouse une femme juive: les enfants continueront d’être juifs.

Ce qui n’est pas le cas dans le sens inverse. La rupture est définitive (modulo une hypothétique et peu vraisemblable conversion ultérieure des enfants une fois leur majorité atteinte).

Cette situation est par exemple décrite dans ce (beau) film: « Au Nom d’Anna » ironiquement intitulé en anglais « Keeping the Faith » – Garder la foi – alors même que cette union brise la chaîne de la Croyance irrémédiablement. Il s’agit ni plus ni moins d’une trahison d’autant plus grave que le personnage joué par Ben Stiller est…rabbin !
Il faut vraiment vivre à Hollywood pour croire qu’une telle situation puisse être tolérée et tolérable.
Quel curé aurait conservé sa paroisse s’il s’était marié avec une adepte raëlienne par exemple ?

Même topo dans « La Vérité si je mens ».  Rappelez-vous: Richard Anconina, pris pour un Juif au début, se voit refuser son mariage au « prétexte » de sa naissance « non-conforme ». Mais, là encore, les sentiments étant plus forts, tout est bien qui finit bien. Et puis encore les enfants resteront juifs.

Petit bémol, contrairement au « Nom d’Anna », la Communauté Juive apparaît ici intransigeante, fermée, ‘clubesque’. Et de façon hélas péjorative. Le spectateur aurait tellement aimé voir le rabbin attitré pour la cérémonie religieuse à la synagogue  s’émerveiller qu’il y aura Jean-Jacques Goldman au mariage. Que le père d’Amira Cassar, dise « au fond, c’est pas grave la religion. C’est la bonté du cœur qui compte, et s’ils sont heureux comme ça… ».

Autre film, sur la lancée de « LVSJM » comme disent les connaisseurs, on retrouve « Mariage Mixte » une comédie pas vraiment réussie d’Alexandre Arcady avec, parmi la clique d’acteurs abonnés à ce réalisateur depuis « Le Grand Pardon », Gérard Darmon et Jean Benguigui.
Le sujet est encore une fois ultra-classique et nous n’y reviendrons pas.

Ce qui est intéressant ici c’est l’acharnement comique du père de la jeune fille juive à vouloir l’empêcher de trouver le bonheur avec son goy d’amoureux. Il est à remarquer qu’Olivia Bonamy avait déjà joué le rôle d’une jeune fille juive bourgeoise amoureuse d’un arabe de banlieue en la personne de Djamel Debbouze dans le sympathique film « les ciel, les oiseaux…et ta mère ». Dans ces deux scénarios, qu’on se rassure la « morale » est sauve: le couple filera le parfait amour après que le père eût -enfin ?- compris que seul le bonheur compte vraiment. Ou tout du moins la promesse de bonheur que s’échangent la mariée et le marié. (Une promesse sans garantie, sachant le taux de divorce de 50%.) Et des problèmes en pagaille. Mais pourquoi gâcher la fête et être rabat-joie: ils s’aiment – follement – aujourd’hui, n’est ce pas là l’essentiel ?

Eh bien non.
Les rabbins et les parents dans la vraie vie, voient plus loin que la lune de miel, plus loin que le voyage de noces, plus loin que le premier mois de mariage. Ils voient les enfants, l’éducation, le conflit d’identités que eux, les enfants, devront, tout seul, affronter – et on le sait d’expérience, en général ça fait mal et ça peut aussi finir très mal.

Sécheresse de cœur? Dogmatisme aveugle? Fanatisme religieux ?

Parmi les nombreuses fâcheuses conséquences qu’un tel mariage mixte provoque inévitablement, revenons sur l’éducation des enfants, puisque les enfants représentent le projet de couple le plus abouti qui soit et évidemment lorsqu’ils sont désirés, la preuve d’amour la plus flagrante. En terme d’éducation des enfants, justement,  les imbroglios existentiels sont totalement éludés dans tous ces films. Aucun scénariste jusqu’alors ne se demandent comment les enfants de ses unions, dont les parents ne vivent apparemment que d’amour et d’eau fraîche, vont devoir vivre leurs identités religieuses, leurs racines, leurs histoires, leurs futurs. Quelle valeurs pédagogiques peuvent avoir cours dans un tel contexte lorsqu’ils réaliseront que leur parents ont trahis leurs propres familles au nom d’un amour aveugle ? Quel autorité et surtout légitimité auront ces mêmes parents lorsque leur enfants leur présenteront un conjoint peu fréquentable ?

Dans ce genre, un autre film (très bien joué et très bien réalisé) joue le total aveuglement en envisageant un troisième cas encore plus problématique: Le mariage Juif/Musulman de « Mauvaise Foi ».

Oublions encore une fois les problèmes liés aux familles, aux traditions, aux différences. Bien que tous ces sujets soient abordés dans le film, penchons nous uniquement sur l’enfant de cet amour. Comme le dit la mère de Cécile de France dans le film: Il sera à la fois Juif ET Musulman. Il ne sera pas gris, il sera A LA FOIS noir et blanc. Comme le dit la vieille blague, devant une mobylette dans la rue, il sera partagé entre la voler ou la vendre…
Ce film est pourtant plutôt bien écrit, les problèmes des deux communautés sont plus ou moins bien représentés et le rejet de l’autre pour cause d’incompatibilité n’est pas évacué. Tout cela est bel et bien montré. Seulement voilà, les personnages des parents basculent trop vite dans l’acceptation immédiate du couple (hormis la mère juive dans un premier temps, et l’oncle musulman lui aussi au début). Le sempiternel consensus sentimental prend le dessus – même si le prix à payer est lourd, on le comprend à la fin, dans la clinique.

Mais, le problème reste entier. En effet la particularité de cette union est que précisément le Judaïsme et l’Islam sont aujourd’hui les religions qui offrent un lourd héritage en terme de traditions et de pratique. Le Catholicisme aujourd’hui est beaucoup plus allégé dans les familles occidentales.
Mais, peut-on, lorsque l’on est parent, sortir de ce film en se disant que c’est une sacrée belle histoire ? Peut on occulter le devenir de telles unions ? La pérennité même lorsque les fêtes juives du nouvel An tomberont en plein Ramadan par exemple ? Comment faire l’Aïd et Yom Kippour la même journée ? Comment manger de la viande Hallal chez son grand-père Mohamed et de la charcuterie Casher chez Mamy Hanna ?

Une réaction plus crédible, hormis le film à l’initiative de ce post « Petites confidences (à ma psy) », est superbement illustré dans l’attitude de Tévye le laitier dans « Un violon sur le toit » :

Aucun prétendant de ses trois filles ne lui plaît de prime abord: le premier est assez pauvre, le second n’est pas assez religieux et est plutôt carrément révolutionnaire (joué par Starsky ;-)), et le troisième est, vous l’avez deviné, goy.
On voit successivement la mise en perspective, entre Tévye le père et ses illusions qui s’envolent, cette attitude toute juive de peser le pour et le contre, d’évaluer la situation en pondérant chaque argument.
Cette méthode aboutit à la bénédiction paternel dans tous les cas.
Sauf un.

Sa fille ne peut épouser un goy.
Si elle persiste, elle sortira de la famille. C’est ce qui arrivera, puisque la fille se mariera devant le prêtre, à l’église.
C’est dur, triste, émouvant.

Mais voilà une représentation totalement réaliste du déchirement que représente une telle union. De la trahison que ressentent les parents et la famille. De la rupture qui, loin d’être une émancipation quelconque, n’est qu’une fuite vers un un extérieur inconnu mais séduisant. L’attrait de la transgression, subtilement habillé de nobles sentiments, ceux du cœur, ceux de l’amour.

Et pourtant, les mariages mixtes existent et on connaît tous des couples qui au fil des années tiennent bon et sont heureux. Alors, faut il vraiment avoir une vision aussi pessimiste sur la viabilité à long terme de ces couples « hétérogènes » (OK je provoque un petit peu)?

C’est un très long débat dans la vie réelle mais puisque le cadre de cette note reste le cinéma, concédons que les mariages juif/non-juifs qui plus est, heureux (dans le cas contraire, considérez Dustin Hoffman dans « Kramer contre Kramer » où le joli conte de fée œcuménique se transforme en guerre ouverte), ont à peu de chose près le même profils:

  • Effacement absolu et total de toute praxis : le Judaïsme étant la religion la plus difficile du monde, celui ou celle dont le conjoint n’est pas Juif, va abandonner immédiatement ses traditions, ses obligations, ses responsabilités religieuse. Au nom d’une concession mutuelle pour le bien être du couple (Voyez Ben Stiller dans « Mon beau-père et moi »: à part quelques interjections en Yiddish,  un mariage religieux officié par un curé et un rabbin sous un dais nuptial de pacotille, que lui reste-t-il de juif ?)

  • Une nouvelle religion, syncrétisée si l’on peut dire, qui prend harmonieusement place dans le foyer en se substituant paisiblement aux deux croyances des deux conjoints. Une « nouvelle religion », sans plus aucune contrainte,  qui prend sa source dans de vagues reliquats du Judaïsme- et encore des reliquats uniquement culturelles: on fête à la fois Noël et H’annouka, on se souhaite Chana Tova (Bonne année) à Rosh Hachana et au Jour de l’An. Après tout nous adorons le même D-ieu (tellement déchu que nous ne Lui obéissons plus) ! On raconte des vielles légendes des Sthtetels , on mange de la carpe farcie ou du couscous, on pense que D-ieu sait qu’au fond de notre petit cœur, on L’aime et que cela suffit. Ah l’Amour. Toujours. Encore une fois un bel exemple avec Ben Stiller dans la suite du film précédent : « Mon Beau-père, mes parents et Moi ».

Alors le mariage mixte, ce ne serait que effacement de l’autre, sacrifice énorme, légèreté aveugle, abandon des devoirs parentaux, trahison familiale, ersatz de bonheur qui plus est momentané, illusion d’émancipation ?

C’est un peu tout cela.

Et si ce n’était pas que du cinéma ?…

À propos trente-trois
Papa encore trentenaire, contrarié et jamais contrariant, je souhaite pouvoir dégager suffisamment de temps pour pouvoir aborder tous les sujets qui me questionnent, m'interrogent et me révoltent (car oui, camarade, ça me révolte). Conscient que cette description est pour le moment inintéressante, je vous engage à œuvrer dans les commentaires qui vont suivre pour en savoir plus...

7 Responses to Mariage Mixte: l’illusion des happy ends au cinéma

  1. Ping: Bilan 2010 du blog « Mise en Trentaine…

  2. Cyril says:

    Drôle de conclusion… Un peu facile de mettre tous les mariages mixtes dans le même sac: je m’en foutistes totalement indifférents au judaïsme, wannabe syncrétistes et personnes qui continueront de pratiquer, en famille, l’une ou l’autre des religions.
    C’est pourtant l’un des enjeux essentiels du judaïsme de demain. La culpabilisation, les discours moralisateurs ont fait la preuve de leur total échec: le nombre de mariages mixtes n’a jamais été aussi élevé. Il faudra bien se poser la question de toutes ces personnes (et j’en connais beaucoup), issues d’un mariage mixte, considérés comme non-juifs, sincèrement attachés au judaïsme, le pratiquant régulièrement (sans pour autant être chomer chabbat, ce qui correspond peu ou prou à la pratique de 80% de la population estampillée juive beth din de France) et laissées de côté par des règles de conversion d’une difficulté sans rapport avec celle des autres grandes religions. Idem pour les hommes ou les femmes qui ne seraient pas opposés à une conversion en vue du mariage. Et il ne faut pas me répondre « cela a toujours été le cas, c’est comme cela que l’on préserve le caractère sacré du peuple juif’, c’est faux et archi-faux. Nous sommes aujourd’hui prisonniers d’une halakha figée, rendue immuable. Encore un effort, encore quelques décennies et il ne restera plus que des ultras et une poignée de modern orthodox pour faire vivre le judaisme. On aura laissé tombé tous les autres. Quelle tristesse.

    • trente-trois says:

      Oui, Cyril, Mille fois oui le problème des mariages mixtes ne se résume pas à ce billet léger, encore moins à sa conclusion.

      L’éventail des cas de figures est à pleurer (c’est le cas de le dire), et clairement les premiers touchés restent et resteront les enfants, fruit de ces unions qui -comme je le l’écrivais- devront affronter les conséquences que leur parents n’ont pas eu le courage d’éviter. Vous soulevez beaucoup de points mais je vais quand même m’attarder sur un seul: le manque d’ouverture conduirait notre peuple à une diminution dangereuse, la rigidité halah’ique serait une sorte de prélude à la disparation programmée de notre religion…

      Ce n’est heureusement pas ce que révèle au moins une étude américaine menée sur 3 décennies (si je ne m’abuse).
      L’infographie célèbre (que je ne retrouve malheureusement pas!!!) montre l’effritement sur 3 générations du triple lien qui définit le juif: le peuple, la Torah et la Terre.
      Les enfants de mariages mixtes, aux USA du moins, sont moins sionistes. Évidemment moins attachés à la Torah (« estampillée Beth din »). mais surtout plus éloignés de toute communauté juive (y compris les Massorti, Libérale et autres reconstructionnists…).
      Les États-Unis sont pourtant un exemple flagrant d’ouverture vers cette importante population. Et les résultats sont flagrants: la non-conservation du stricte respect entraîne le délitement inexorable de ce qui nous définit.

      A contrario des mariages mêmes « traditionalistes » permettent de réduire drastiquement cette érosion.
      Et nous en parlons pas alors d’une « poignée » mais d’une part de plus en plus importante du monde juif, bien au-delà d’un clivage haredi, hassidish ou modern-orthodox.
      En Israël même la majorité des élèves étudient dans le système religieux et non laïc (cf. Hamodia de la semaine dernière).
      En Angleterre, 71% de la communauté juive est attachée à la stricte observance (source:http://www.jpr.org.uk/publications/publication.php?id=163&sid=168)
      En France, la vague des mariages mixtes, qui demeurent toujours un fléau, est brisée par une génération de plus en plus pratiquante, qui fréquente là où elle le peut, et de manière quasi absolu, le système éducatif juif privé (quand ce n’est pas le Talmud Torah). Un contexte radicalement différent d’il y a 30 ou 40 ans et qui augmentait les risques de l’assimilation conjugale.

      Le monde juif vit un renouveau impressionnant. Ici et maintenant.

      Être à l’écoute de ceux qui souffrent du grand écart social et spirituel ne devrait jamais amener à niveler par le bas les exigences d’une Loi et d’une mentalité et d’un état d’Esprit qui ont fait que nous avons survécu malgré tout. Cela ne signifie pas évidemment que la loi ne peut pas être projetée sur un plan contemporain, mais cela signifie que jusqu’à la constitution du prochain Beth Din dans le 3e temple de Jérusalem, la règle demeure d’être en effet la religion la plus dure à intégrer qui soit – avec les conséquences terribles que cela entraîne et en premier lieu de n’être que si peu à la surface du globe.

      Alors je ne dis pas non plus comme vous l’écrivez “cela a toujours été le cas, c’est comme cela que l’on préserve le caractère sacré du peuple juif’ car il est vrai que les conversions ont eu de belles heures dans notre Histoire. ce que je dis en revanche, c’est que malgré tout notre ADN ne s’accommode pas si facilement des autres croyances ou du laxisme. Il est fragile et en quelques générations il est complétement éteint.

      Tout cela est bien beau, mais que devons-nous faire alors concrètement pour celles et ceux qui veulent sincèrement épouser…la Loi de Moïse ? Ce qui est déjà fait: aucun consistoire ou beth din ne refuse la conversion aux cœurs sincères. Mêmes à celles et ceux qui sont mariés et ont des enfants. Car eux seuls savent que les difficultés redoutées ne sont qu’apparentes. Qu’il faut 15 ans de labeur pour former un bachelier en France , 10 ans pour peut-être devenir citoyen américain, une vie entière pour ne même pas avoir la chance d’être monégasque ;-)…et que les épreuves pour rejoindre le Klal Israël ne sont que des prétextes pour valider l’honnêteté de la démarche.

      La situation est et demeurera toujours compliquée, seule une étude au cas par cas par des autorités compétentes et non complaisantes permet de la résoudre.

      Mais ça vaut le coup.

      N’est-ce pas ?

  3. Lucie Esther says:

    Merci M. Mise en trentaine pour ce billet qui traite d’un sujet grave et important avec plein d’humour.

    Le sujet du mariage mixte est difficile mais tu n’abordes pas un point à mon avis crucial : l’éducation juive qu’ont reçu les enfants qui épousent des non-juifs : en effet quand tu discutes avec ces personnes tu te rends compte que soit leur éducation juive est inexistante ou faible soit elles ont tout rejeté en bloc. Dans le premier cas, l’opposition des ^parents au mariage de leurs enfants est une hypocrisie qui ne dit pas son nom. Comment peut-on attendre de personnes n’ayant pas été éduquées dans la tradition ou les valeurs juives qu’elles restent au sein du peuple par la suite lorsqu’elles se marient ?
    Pour la 2e hypothèse le mariage mixte n’est que la suite « logique de la rupture d »avec la tradition… C’est triste…

    Pour les conversions : la durée est rarement de 15 ans et il ne faut pas croire que les rabbins soient si stricts et méchants… Le délais est entre 2,5 et 5 ans et honnêtement après le passage au mikvé, le vrai voyage, le vrai apprentissage commence et honnêtement, 2,( ans ou 5 ans c’est quoi dans une vie ? …
    Et soyons honnêtes tous les enfants non-juifs issus de mariages mixtes ne souhaitent pas rejoindre le peuple d’Israel, et réussissent à vivre avec leur statut hybride. Cependant c’est triste que ceux-ci rejettent viscéralement les institutions juives sur le thème « tous pourris » (oui ça existe). Ce n’est pas les institutions qui sont à blâmer mais u n de leurs parents qui n’a pas assumé ses responsabilités… (pardon si je choque).

    Sujet délicat et sensible mais que l’on ne peut pas ne pas aborder.

  4. philyossef says:

    La première chose qui me vient c’est que dans l’ensemble ce sont quasiment tous des mauvais films…notamment les comédies…
    Pourquoi ont ils voulu faire des comédies?
    Peut être pour éviter le fait que l’union mixte est :
    . soit un déchirement (d’avec sa famille, sa culture, etc),
    . soit un déchirement (pour les enfants écartelés)
    . soit un déchirement (quand au bout d’un temps, quand on s’aime un peu moins follement, on se balance ses différences à la gueule)
    . soit un déchirement (parce qu’on renonce par « raison » à la personne qu’on aime en y laissant plus que des plumes…des morceaux entiers…).
    (pardon, vraiment, de plomber un peu un post sur des comédies au cinéma…c’est source de tellement de souffrance dans ma famille et/ou mon passé…sujet sensible…fallait que ça sorte!…)

  5. elephantbleu says:

    J’ai vu ce soir le film des confidences à la psy. Comme toi agréablement surpris par la fin.
    Je relis ce post, et je me rends compte une fois de plus que c’est un sujet hautement sensible.
    Je ne suis pas bien d’accord avec Lucie Esther. Enfin tout dépend de ce qu’on appelle valeurs juives. Ce n’est pas que la religion (je dis ça parce qu’elle dit « tradition »). Il y a des personnes, juives jusqu’au bout des ongles bien que non shomer shabbat ou ne mangeant pas kasher et qui pour rien au monde n’épouseraient un(e) non juif(ve), dans le film on voit un exemple. Je sais, ça ne tiendra pas longtemps me dira t on, mais il y en a. Le mariage mixte est un problème qui (à l’image de la description faite ici de D ieu) ne peut se réduire. D est comme les problématiques de son peuple. Dur à résumer et impossible à réduire.

  6. Elie says:

    Excusez-moi. Juste une remarque….Sur une expression : les gens qui « se sentent juives jusqu’au bout des ongles ». Mais qui ne mangent pas kasher et ne sont pas shomer Chabbat. Se conduire ainsi, c’est à mon avis mésestimer son propre judaïsme et compromettre celui de ses enfants. Ce n’est pas de la morale ni du mépris, s’il vous plait croyez-moi. Juste une conséquence logique, visible. Comment définir le peuple Juif sans son attachement à la Thora -qui implique le respect de ses Lois ? Sauf à déléguer cette responsabilité à d’autres (ce qui n’est pas très juste, ni peut-être même possible) comment perpétuer le Judaïsme sans en vivre et en transmettre son essence ?
    Kol Tov lecoulam

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