Petit billet mais belle histoire. C’est l’histoire de ma cousine.
Dominique est vétérinaire. Après de longues et difficiles études, elle est parvenu il y a plus de 10 ans à s’associer avec un de ses confrères plus âgé et non juif, en reprenant une partie du cabinet de ce-dernier.
Il serait faux de dire qu’elle ait pu respecter ses Chabbatot pendant son cursus universitaire, notamment à cause des concours en Prépa véto. Mais il serait tout aussi faux de croire que ce choix, qui ne concerne que elle et Dieu, s’est fait sans souffrance morale, sans douleur personnelle.
Lorsqu’il est venu le temps de pratiquer, très vite son associé l’a contrainte à venir travailler également le chabbat. Jeune diplômée sans expérience, ce fût la douche froide, mais avec un remboursement de crédit sur les épaules, elle n’a pas osé dire non tout de suite.
Avéra goreret avéra, elle s’est vu venir travailler tous les vendredis soir et parfois certains samedi matin.
Quand ses enfants ont grandi, et qu’ils ont commencé à être inscrit à l’école juive, elle n’a pu soutenir la contradiction davantage: leur enseigner l’allumage des veilleuse le vendredi et l’interdit de travailler, tandis qu’elle même revenait tard certains vendredi et marchait de longue distance le samedi pour rejoindre son cabinet…
Il y a quelques années, elle se décida à faire un marché avec son associé: Elle arrêterait désormais de travailler le vendredi après-midi deux heures plus tôt que prévu . Et non le cabinet ne sera plus ouvert le samedi matin.
En échange et pour ne pas que son associé soit lésé elle s’engageait:
– à lui remettre un billet de 50 euros tous les vendredi pour compenser ces deux heures en moins
– à tenir le cabinet ouvert non pas certains samedi matins, mais le dimanche toute la journée. Et toute seule.
Dans un monde normal, lorsque l’on est un vétérinaire âgé, à l’abri du besoin, on essaie d’être bon prince avec sa jeune associée – dont on sait la souffrance religieuse – et d’au moins refuser de prendre les billets pour le vendredi, conscient du sacrifice et de l’opportunité financière de voir son cabinet ouvert même un dimanche.
Que nenni ici, la mesquinerie était encore la bienvenue :
Chaque vendredi son associé allait récupérer les billets que ma cousine lui glissait sur le coin de sa table.
Chaque dimanche, elle s’occupait seule du cabinet et son associé prenait sa quote-part des bénéfices sans travailler.
Chaque dimanche ma cousine sacrifiait sa journée en famille pour sauver ses chabbat.
L’effort était considérable. Mais petit à petit, quelque chose se déclencha…
Ma cousine et son mari ont commencé à réfléchir sur leur judaïsme. Sur le sens de la vie, des mitsvot.
Elle et lui suivirent des chiourim, et au fil du temps ils sont devenus de « bons juifs », pratiquant scrupuleusement les mitsvot, petit à petit…
Régulièrement à chaque fois que je leur parlais, je dois bien l’avouer, j’étais ravi et surpris de leur lente mais sûre ascension dans un monde de Torah plus authentique.
» Mais tu te rends compte, 50 € le chabbat, c’est pas cher en fait » s’exclamait-elle quand je lui demandais si son associée se rabaissait toujours à les lui prendre !
Une ascension commencée timidement avec un billet de 50 € tous les vendredi soirs…
A 17h42 aujourd’hui, il y a 45 mn, ma cousine Dominique m’a appelé.
Le 1er aout, elle s’installe avec son mari et ses enfants à Jérusalem.
Un projet mûri depuis quelques années et planifié en secret depuis un an. Les enfants sont déjà inscrits à l’école. Tout est (presque) prêt – sauf un léger détail de logement toujours pas trouvé là-bas, mais ça ne semble pas la gêner outre mesure 😉 …
Elle a vendu sa part du cabinet vétérinaire vendredi dernier.
Son associé ne s’en remet toujours pas.
Et pour tout dire, fou de joie, moi non plus !
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